L’A R T DÉCOR A TIF C’est ainsi qu’elle travailla jusqu’au jour oit, lassée de son effort, malade enfin, elle devait s’aliter. La fièvre romaine ne la retint qu’un mois au lit. Sitôt debout elle achève son ‘ouvrage, qui sans être encore une oeuvre devient une statue passable. Désormais, au sortir de cette épreuve l’artiste sait ce qu’elle veut faire, ce qu’il faut faire, et à son retour à Londres elle mettra dans l’exécution de ses ingrats por-dès le début de notre union, la compagne précieuse que l’on sait. Si je veux etre un biographe fidèle, il me reste à conter maintenant la marche ascendante de cette fine nature d’artiste, enfin délivrée par notre mariage de la vie militante d’un professionnel du portrait. Quel soulagement pour elle, quel délicieux repos art profit de l’intense activité de l’es-prit et comme elle comprend bien ce repos laborieux de la compagne artiste d’un artiste. Désor-mais elle ne tentera plus que des oeuvres, simples réali-sations de choses vues et senties ; elle les fera de son mieux dans un recueille-ment respec-tueux devant la nature. Elle reproduira avec sincérité les êtres qui évo-lueront clans notre orbe, enfin elle sai-sira des as-pects, captera des modelés. Voici vingt-deux ans que notre union a eu lieu, et voi-ci le spectacle que je n’ai cessé d’avoir sous les yeux : une jeune femme, une jeune mère discrètement installée dans un coin de mon atelier… Elle travaille ainsi que moi. Un de nos enfants lui sert de modèle, elle étudie les jolis modelés du poupon durant qu’elle l’allaite, caressant d’un doigt léger les saillies de son front, de son menton délicat, faisant jouer la lumière qui en se déplaçant varie les taches d’ombre. Elle accourt à ma voix et me dit sur l’oeuvre commencée des choses senties et très simples. Tombeau de Georges Rodenbach pm, traits un degré d’attention et une volonté d’art qui la feront, à chacun d’entre eux, réaliser un progrès. C’est à Rome, comme on l’a vu, que j’ai connu M » Dubray. C’est là que cette destinée dont j’avais pressenti l’approche se fixait en des fiançailles qui durèrent plus de trois années pendant lesquelles, loin de tout milieu artistique, la jeune fille mûrit son intelligence et ses facultés qui firent d’elle, 48