MADAME BESNARD tisse à Londres. Est-ce à dire qu’elle soit heureuse, ou fière d’une indépen-dance qu’elle doit à son travail, grisée. un peu, de ses succès de femme et d’artiste? Non, oh non! l’étude est tou-jours le terrible but qui se dérobe. Faire de l’art véritable est toujours son rêve le plus cher, et son souhait le plus ardent serait d’être assez dé-gagée de tout lien pour mener au gré de ses travaux l’existence d’un jeune étudiant, d’un fervent de beauté. Un jour, profitant d’une commande assez importante, elle s’échappe et retourne en Italie, à Rome, ou dans un petit atelier elle s’évertue de son mieux à faire enfin une oeuvre. Et là elle tra-vaille… Comme jadis elle travaillait à ce petit buste d’enfant au seuil de sa vie. Je me souviens avec émotion du spectacle touchant de sa belle volonté. Combien de fois, rencontrant cette belle jeune fille sur le chemin de son atelier, ne l’ai-je pas suivi des yeux admirant le rythme de son pas de grande femme. Qui sait? un secret instinct m’avertissait peut-être que c’était ma destinée qui venait- à moi. Figure pour une fontaine 47 Je gardais toujours de ces rencontres avec cet être grave une commotion pro-fonde. Il se trouva que nos familles avaient des liens cousinons, de sorte qu’il me fut permis un jour d’as-sister à ses luttes pour le travail. Je fus le confident de ses ferveurs, de son im-puissance à réussir one entreprise trop forte pour elle malgré de réels progrès. Aidé d’un ami qui était venu passer quelques mois à Rome, d’Alfred Lenoir, compagnon de ma jeunesse, j’essayais d’éclairer sa route. Nous la soutenions de nos avis et de nos encourage-ments. Ce fut ainsi que pour la première fois elle eut sur son art la révélation de vérités qu’elle devinait, mais confusément et d’ins-tinct.