L’ART DÉCORATIF ciel ne l’ait douée de cette grâce particulière qui ne s’acquiert pas, qui est comme le rythme de la vie et que les sociétés ont nommé la mondanité. C’est que la femme artiste, souvent peu fortunée, a plus que toute autre à lutter contre les heureux, les oisifs, taines qui, pour résister à ce maître peu clairvoyant, à la passion du plaisir opposent la passion du travail. L’esprit de la femme agit par courants tout au contraire de 1 homme qui bâtit sans cesse des digues. Là est tout le drame. Nous sommes une force, elles sont un élément. Si elles sont le fleuve, nous ROBERT BERNARD Portrait de M., Besnard les sans but, ceux qui font du bruit, parce qu’il faut le recueillement pour écouter à loisir les battements de sots cœur, il faut le silence qui est pour la pensée ce que le sillon est à la semence; le bruit est le vent qui la disperse. Ce rôle de solitaire pensant est d’autant plus difficile pour la femme qu’elle semble née pour les joies de la vie et que l’homme lui a presque fait une loi d’y céder, loi très dure à l’égard de cer. 42 sommes le pont. C’est ainsi qu’elles nous échappent toujours. Nous autres artistes, sommes plus égoïstes en-core, en n’admettant la femme à l’honneur de notre estime que si, docile à vio-lenter sa nature, elle se pré-sente à nous avec des allures de frère. Et encore, c’est à peine si nous lui pardon-nons le ridicule de son tra-vesti, sentant bien, au fond, qu’en la fidélité à son sexe réside sa vraie valeur. Qu’a-joute à l’art de notre temps une Rosa Bonheur? C’est un vieux lutteur de plus et c’est tout. Mais l’habitude de mépriser le travail de la femme est telle que, fai-sant partie du jury de l’Ex-position Universelle de tgoo, j’eus toutes les peines du monde à faire comprendre à mes confrères que cer-taines miniatures, études ou portraits, oeuvres de femmes, étaient, je ne dis pas équiva-lentes, mais supérieures à la moyenne des productions masculines du même ordre. Aussi bien ce préam-bule doit avoir une fin, je prie qu’on me le pardonne même s’il est trop long; mon excuse est dans la tendresse que j’ai vouée aux deux femmes qui ont exercé sur ma vie leur influence bienfaisante. L’une, ma mère, était peintre en miniature; l’autre, ma femme, est le sculpteur que je vais essayer de vous faire connaître. Ayant senti par elles tout le prix d’un cœur de femme, je suis devenu le plus incorrigible des féministes. Mme Besnard, sculpteur, est fille du