L’ART DÉCORATIF compter parmi les plus décisifs éducateurs et parmi les personnalités qui détiennent les lois du présent et de l’avenir de l’école française. Il a créé quelque chose, une façon d’ex-primer qui ne sera confondue avec nulle autre. Et il l’a trouvée dans un domaine où personne ne fût entré de nos jours. Avec la joie, dont l’art ne fait • rien, ou presque, il a formé un monde à lui, voluptueux mais chaste, galant mais courtois, lyrique mais pensif. Il le portait en lui. Lorsqu’on le regarde peindre, on comprend qu’il poursuit un réve intérieur. Les yeux mi-clos, il pose ses touches avec autant de sûreté que de hale épinglés au bord de la toile, les croquis à la sanguine faits d’après nature le matin même sont les seules indications qui guident son travail. La couleur nait sponta-nément, les tons éblouissants se mettent à chanter d’eux-mêmes. Ainsi Monticelli peignait : et où donc ce magicien, et où donc Chéret copieraient-ils leur atmosphère enchantée, et comment seraient-ils ce qu’ils sont, s’ils étaient forcés de copier des reflets d’étoffes ajustés sur des mannequins ? Le solitaire génie de Marseille, l’élégant lyrique actuel savent par coeur leurs harmonies, comme des symphonistes composant sans piano. Les sourcils froncés, la face sérieuse, la main preste dardant le pinceau avec une souplesse d’escrimeur tenant le fleuret, l’ar-tiste, tel que l’a peint admirablement Jacques Blanche, mimant par d’imperceptibles flexions du torse le mouvement dont il accuse la structure, s’identifie à l’être qu’il ébauche, et consulte en soi-même l’étincellement de ses souvenirs. Un fond de rêverie. un per-pétuel songe d’une nuit d’été dort en cet homme dont l’extérieur est celui d’un gen-tleman racé, désinvolte, d’allure un peu mi-litaire et hautaine. Et lentement Chéret dérive dans ce songe, il est tour à tour Co-lombine, Pierrot, Ariel, il s’élance avec les ballerines, il s’é-gare dans les pers-pectives féeriques, il plane de toute la joie de son ante allégée dans le royaume aérien du sourire. CAMILLE MAI•C1,11, Pastel étranger, forte d’une science sans pédant étalage de virtuosités, sera une pierre de touche précieuse pour éprouver par compa-raison la fausse emphase de certains pré-jugés sur le dessin, la couleur., le but mente de la peinture. C’est seulement depuis que l’artiste a fait connaître ses grandes déco-rations que cette importance spéciale de son œuvre apparait, conclusion considérable d’une si laborieuse et si attachante carrière : à l’impressionniste, à l’affichiste qui créa le sourire sur les murailles, au pastelliste plein de verve, à l’illustrateur riant et parisien, se substitue en les continuant un maitre à la pensée intense, au style abondant et gé-néreux, à l’exemple sain. Chéret peut 12