MONUMENTS RÉCENTS reg • N ne peut pas toujours dire que les grands hommes ou les demi-grands hommes, Aadmis à l’honneur de se tesurvivre en pierre, aient toujours le droit d’étre fort satisfaits. Ouelques-uns, malcontents de leur piètre effigie, gardent dans le marbre une gri-mace symbolique, où il semble que le tailleur d’image se soit inconsciemment raillé lui-méme. D’autres font (les gestes impé-rieux, dressent la tete, livrent aux vents tumultueux les pans de leur pardessus, — dérisoire res-souvenir de l’envolée à laquelle peut prétendre une Victoire de Samothrace. Ou bien, de deux doigts écartés en compas, ils sem-blent mesurer leur propre cerveau et porter douloureusement ce poids fécond. Tous les ridicules, toutes les folies semblent animer ces hommes de pierre, qui gesticulent sur nos places publiques. Bien des exem-ples amers de déification avortée nous restent de ces temps der-niers; plus que tout autre peut-etre, M. Barrias, par son encom-brant Victor Hugo et son Lavoisier piteux, géue nos promenades : aussi avons-nous plaisir à saluer les monuments conçus avec plus de bonheur et sic sentiment per-sonnel, qui apparaissent de temps a autre. Si le grotesque pouvait tuer, il semble bien que les for-mules de statues publiques encore aujourd’hui en cou, auraient dit depuis longtemps disparaitre. Peut-étre la nouvelle génération de sculpteurs réussira-t-elle à nous en débarrasser. C’est au milieu de jardins surtout qu’une figure de marbre – méme lorsque ce n’est pas une nymphe ou un faune que l’on nous représente — est le mieux à sa place. L’en-combrement des rues et l’entourage des hautes maisons à étages dépayse un peu trop ces personnages d’un monde irréel, qui gardent éternellement la même attitude mé-ditative. La nature, ou du moins cette cam-pagne factice de nos parcs, leur crée un décor de solitude, ennobli de tous ces rites réguliers des saisons et des jours. Aussi le monument élevé à Gabriel Vi-INJALBERT Monumeni à Gabriel Vicaire caire par le sculpteur Injalbert s’enveloppe-1-il très heureusement sous les ombrages du Luxembourg, où s’étaient déjà disséminées