L’ART DÉCORATIF’ Manufacture de Sèvres en ces dernières années. – Nous en avons déjà dit notre pensée à plusieurs reprises. Il s’y mêle beaucoup de joie, et comme un semblant de triomphe. La Manufacture de Sèvres a donné une forme tangible aux théories qui nous sont les plus chères; à l’heure de l’anarchie, elle a réa-lisé; à l’heure du doute, elle a prouvé. Son rouvre persévérante, qui fleurit en grâces fortes, est comme le produit de l’idée mo-derniste dans ce qu’elle a de plus définitif satisfaction, en t non, de voir la Manufacture française de porcelaines se réhabiliter d’un long passé de médiocrité artistique, et s’en réhabiliter de manière à égaler, sinon à éclip-ser ses redoutables concurrentes de Copent bague, de Stockholm et de Meissen, en Saxe. Car Meissen, on s’en’ ‘souvient, Meissen, patrie des petits bonshommes Louis XV, des Lancret et des Watteau en kaolin, Meissen avait voulu montrer en 1900 sa compréhension du style moderne. Et ce fut KA. et de plus français aussi. Tout ce que peu-vent la liberté et l’indépendance disciplinées et instruites, la Manufacture de Sèvres nous l’a donné en quelques années. Grâce à elle, grâce aux artisans qu’elle a groupés, il y a aujourd’hui en France une manifestation indiscutablement nationale du style mo-derne; et ce n’est pas un mince résultat, pour nous tous, que pouvoir montrer des œuvres d’art, décoratives ou usuelles, qui ne rappellent ni le XVIII, siècle ni la Re-naissance, et dont on ne peut pas dire ce-pendant qu’elles ne sont point, — par leur beauté, par leur élégance, par lem principe, françaises et bien françaises. Car il faut constater, et répéter très haut que Sèvres n’a imité personne. En sui-vant l’évolution communiquée aux industries d’art, mieux que cela, en prenant la téte de cette évolution, la Manufacture Nationale s’est sagement gardée des influences étran-gères, elle a pris toutes ses ressources et tous ses moyens d’action en elle-même et autour d’elle. Et nous avons eu cette rare 364 Service à café une avalanche de sAffiboles conformes à l’esprit allemand, idéaliste et matériel. A côté, Rcerstsand montrait des formes amples et solides, décorées sobrement, vases déco-ratifs et services de table portant bien l’em-preinte d’un pays où la vie de famille, le calme du ti chez-soi„ acquièrent leur plus complète expression. Autre pays, autre sens de la beauté : fond blanc, décor le plus sou-vent bleu sombre : c’était Copenhague, et c’était bien la l’art nouveau d’un peuple contemplatif et robuste, un peu triste, mais dont l’esprit enregistre avec force des im-pressions profondes. A côté de ces manifestations si diverses, Sèvres vint apporter une note inattendue, sa note, qu’il a gardée et développée, enri-chie, depuis. C’est encore de la grâce, comme il convient à ce pays de sourires qu’est le nôtre, mais non plus la grâce mièvre et comme affolée du XVIIle siècle, ni l’affreux sourire trop orné, trop fardé, dont la vieille budgétivore de Sèvres nous avait gratifiés durant tout le XIXe siècle : une élégance