L’ART DÉCORATIF croyait être devancière en répétant que la nature devait être l’unique éducatrice et la seule inspiratrice. Zola laissait bien loin Flaubert dans le dépeçage brutal de l’humanité et faisait surgir des dis-ciples qui l’exagéraient; on ne ren-contrait plus dans les musées que les seuls fervents de Gustave Moreau copiant les tableaux de maures. Les ultras de la peinture avaient en résumé l’illusion qu’on retrouve dans toutes les révolutions : que les traditions du passé n’étaient qu’une routine qu’il importait de briser net et qu’il leur était donné, à eux les premiers, -de marcher vers la vérité. C’était oublier, une fois nouvelle, ce vieil adage qui est le plus profondément vrai de la sagesse des nations, que la nature ne fait point de saut et que tout effort tenté pour s’arracher d’un seul coup à la tutelle de l’expérience est voué à la stérilité. C’était méconnaître surtout le glorieux mécanisme de l’art français, qui sans arrêt a fait renaître des “écoles» sur la décadence des précédentes, en puisant leurs éléments dans les chefs-d’oeuvre passés, formant le patrimoine national ou celui des peuples voisins. Simon avec quelques camarades d’a-telier, très peu, eut l’intuition de l’erreur commune. Il se rappellera sans doute, en lisant ces lignes, avec quel étonnement mutuel René Ménard et lui se rencontrèrent un jour de ces temps lointains dans le Salon carré du Louvre. Chacun de son côté avait découvert qu’il y avait un singulier profit à délaisser de temps à autre la quotidienne académie, méme les judicieuses corrections de MM. Bouguereau et Robert Fleury, pour les muets mais lutnineux enseignements des vieilles toiles illustres. Ils s’y trouvèrent des affections qui allèrent jusqu’à la passion unique et extrême, comme on en a dans la jeunesse. Simon fut pris par Franz Hals. La franchise du maître hollandais dans son métier, l’incroyable sûreté avec laquelle il apparaît saisir sur le fait la vie dans sa forme et dans sa couleur en méme temps, son insouciance même d’une psychologie bien profonde de personnages choisis, d’ail-leurs, certainement parmi ceux dont l’àme était la plus simple tout répondait aux goûts du débutant. Il aimait en littérature les mots sobres, aigus et justes, qui résument à l’esprit une pensée ou un geste ; il ne JACQUES BLANCHE 354 Portrait de Lucien SiM011