L’ART DÉCORATIF réalise au contraire que sous l’ébranlement perpétuel des spectacles admirés. La joie de créer suit chez l’artiste l’incessant plaisir, la continuelle surprise des merveilles du monde physique. Nous en sommes tou-jours, dans cet ordre-là, au même point que les Hurons et les Groenlandais. Mais il y a certains instincts primi-tifs qui constituent le fon-dement de l’humanité et l’accompagnent à travers les civilisations. Nous aurons toujours besoin de reposer nos yeux sur des rappels de formes connues, qui nous apportent’ en plus la rare jouissance d’une ordonnance per-sonnelle. Des images! c’est à les faire éclore sans cesse sous nos yeux que cet art doit s’emplo-ver ; et ce désir qui a suscité aux origines des peu-ples les premiers bégaiements de l’art est le même qui a entretenu la production ar-tistique à travers les siècles. On en retrouve de toutes parts, en toute éclosion d’art, les signes certains et iden-tiques. L’artiste est, dans cet ordre d’idées, un con-templateur et un instinctif, qui, après s’erre éton-né de tontes les manifestations diverses de la nature et de la vie, se sent pressé d’en retrouver dans une oeuvre de ses mains la grace ingénieuse. J’ai sur ma table, jouant le rôle de presse-papier, un modeste objet de terre cuite fait à la ressemblance d’un crocodile, sur la tete duquel un serpent se repose fraternelle-ment. Les fellahs du Nil s’en servent comme d’une brosse rude pour se frotter les pieds. Car la tete dressée de l’animal fait très commodément le manche, et l’étroite tablette sur laquelle il repose com-prend en-dessous une sur-face rugueuse. C’est bien là de l’art populaire, si je ne me trompe! A cet objet de toilette des plus humbles, l’imagination du fabricant — et cette imagination re-monte bien haut, car il s’agit là d’une forme depuis longtemps transmise – a voulu adapter une figuration de ce qu’il voyait souvent sur le rives du fleuve. La com-modité de l’objet d’usage est satis-faite, et l’aspect s’en trouve égayé et, pouvons-nous dire, ∎omuSé». Nous disons toujours que la logique doit nous guider dans la conception des ouvrages d’art domestique. Mais il est toute une classe d’objets accessoires on cette logique se réduit à certaines règles de dimen-sions, d’ordo, nançe et de forme générale. C’est surtout la fantai-sie qui les sus-cite, et la part de fantaisie doit y être grande. Qui ne se rappelle les miroirs pompéiens, auxquels une délicate figurine servait de manche, ou les cuillers à tête de bélier; et qui ne s’étonne chaque jour de la profusion d’images heureusement appropriées qu’ont répandue et que répandent encore les Japo-nais dans les objets de ménage ou d’utilité Lustre électctque 344