L’ART DÉCORATIF M. Albert Bartholomé me dit encore, après une pause : « J’aime vivre en voyant de belles formes nues. C’est ce que j’aime le mieux, avec le travail. C’est infini, on n’en voit jamais assez. » Et en effet, toute son oeuvre est l’expression des principales pensées humaines par le seul moyen de la nudité. On a tout dit sur le monument aux conception que le sculpteur se faisait de son art. Comme Rodin, et à peu près seul avec lui, M. Bartholomé se limite aux combi-naisons rythmiques du corps humain, et cette limitation fait sa puissance. C’est un poète, un poète mélancolique et infiniment délicat, doué pour la perception des plus tétines psychologies. Mais il ne touche ni au lyrique ni à l’étrange : il est et sait rester humain, et il aime l’humanité. Il lui est arrivé de parler encore de la mort après qu’on eût pensé qu’il avait tout dit. Le tombeau de Meilhac et le tombeau exposé l’an dernier ont montré qu’il avait encore quelque chose à dire sur le sujet dont on n’ose en général que se taire. Dans toutes ces œuvres il n’y a pas trace d’une seule velléité macabre, rien qui évoque directement la matérialité de la mort, même aussi hautement que, par exemple, le tombleau sublime de Ger-main Pilon, au Louvre. Il ne s’agit que de l’émotion des étres. Il n’y a pas davantage d’intention religieuse visible; nul symbole confessionnel, nul emblème de résurrection. L’épou-vante ou l’espoir déiste demeurent à l’intérieur des personnages, nous ne les percevons pas: nous ne voyons d’eux qu’une lente et noble marche à la disparition, et c’est à peine si, dans le monument aux Morts, à la base, s’indique l’idée de recréation trans-formiste par la figure ailée qui se soulève au-dessus du couple enseveli. C’est à peine encore si dans le récent tombeau la figure ailée qui offre sa main ouverte par une si délicate trou-vaille s’assimile à un ange, plutôt qu’à un génie païen : elle est ailée comme les figures grecques. La piété de ces œuvres résulte donc unique-ment, en dehors de tout dogmatisme, d’un ordre de pensées philosophiques d’un caractère actuel, graves sans ascétisme, poétiques sans exaltation religieuse. Par une sorte de pudeur suprême, et comme si l’ar-tiste trouvait que même bien parler de la mort est encore l’amoindrir et en offenser le culte, cette statuaire trouve moyen, plas-tiquement, de créer le secret sur le néant lui-même: elle assemble des figures signifiant tout ce qu’elle en pense autour d’un vide Buste de M., la Vicomtesse de L. L. Morts et je n’en reparlerai pas. Je veux seulement noter qu’il n’y avait pas là un seul accessoire. Une stèle, des êtres, et tout était signifié. Une des plus nobles œuvres du XIXo siècle naissait par la vertu de la pensée et de la chair, par la force d’un symbolisme naturel, sans qu’un seul détail fût inaccessible au plus illettré des spec-tateurs. Les œuvres qui ont succédé à cet admirable témoignage, si émouvant, si pi-toyable et si pur, n’ont pas démenti la 3t5