L’ART DÉCORATIF pionniers de l’art appliqué français ; nous voulons dire un de ceux qui, réagissant contre l’in-fluence anglaise, cherchent des formules nou-velles en restant attachés aux traditions de l’esprit de leur pays. Tâche peut-être encore plus difficile en France qu’ailleurs pour beaucoup de raisons, et entre autres, parce que notre génie national ne peut s’accomoder ni d’une trop grande simplicité comme celui des Anglais, ni d’une étrangeté puisant directement ou indirectement ses sources au fantastique, comme celui d’autres peuples du Nord et de plupart des races orien-tales. L’art français, avant tout clair, élégant, riant, répond à l’esprit d’un peuple citez qui ces traits sont plus développés que chez aucun autre; il a toujours influencé celui des autres pays parce que la grâce séduit dans l’art comme dans la femme, et n’a jamais été lui-même influencé que passagèrement par le leur, si l’on excepte l’art italien, c’est à dire celui d’un peuple de même souche. Il est possible qu’aujourd’hui que la face du monde est changée, l’art français ne s’impose plus dans l’avenir comme autrefois; mais il est certain que l’art d’ailleurs ne s’imposera pas à la France, car notre race est celle qui se croise le moins avec les autres et la plus jalouse de toutes de conserver les traits qui lui sont propres. Notre tempérament veut pour notre art certaines façons d’être, exclusives de principes sur lesquels d’autres peuples peuvent baser le leur. M. Selmersheim excelle surtout dans les travaux du métal ; le procédé de la fonte est plus propre qu’aucun autre à mettre en valeur la souplesse de son modelé. Ses poignées de pcirtes et de meubles, ses appareils d’éclairage et autres objets en bronze portent la marque d’une imagination qui sait rester sobre dans l’abondance, et sont d’une élégance parfaite. Dans le meuble, il collabore fréquement avec M. Plumet, mais travaille seul d’autres fois. Ce sont surtout de petits meubles qu’il produit dans le second cas : toilettes, tables de salon, etc, dans lesquels ses aptitudes de modeleur peuvent se complaire aux détails délicats que ce genre admet. Ces petits meubles sont des plus agréables, avec des formes pas d’une originalité saisissante eut-être, mais pleines de grâce et d’un goût impeccable. Dans les grands ensembles mobiliers faits en collaboration avec M. Plumet, le talent de M. Selmersheim se révéle sous une autre forme par des mode-lages extrêmement habiles de pièces de con-struction; par exemple, dans la salle à manger pour M. E. Detaille exposée dernièrement au Salon des Six, rue Caumartin, celui de certains arceaux changeant de plan. Malgré ces succés dans le meuble, il nous semble que la voie de M. Selmersheim est sur-tout dans l’art du métal fondu. Ce qu’il a produit jusqu’ici dans cet art montre une sou-plesse de talent qui lui permet d’en aborder tous les côtés, depuis l’objet luxueux jusqu’au plus simple. Dans cette dernière classe, les appliques d’éclairage, flambeaux de piano, chande-liers, bougeoirs etc. exposés l’année dernière par M. Selmersheim résolvent, on peut dire d’une manière parfaite, la question d’un art véritable-ment industrialisable et pouvant être mis à la portée d’un grand nombre. L’auteur de ces objets serait l’homme indiqué pour faire entrer l’art mo-derne dans l’industrie parisienne du bronze, si cette tacite pouvait entrer dans ses vues. Aussi, s’il nous était permis d’exprimer un Souhait dans l’intérêt de tous, ferions-nous celui de voir M. Tony Selmersheim consacrer un peu de son talent à des productions de caractère analogue à celles que nous venons de citer ; et d’autre part, quelques grands industriels du bronze chercher en lui l’artiste propre à rem-placer leurs modèles, aussi surannés que laids, par d’autres répondant mieux à l’éducation arti-stique grandissante du public. 1. M. MAURICE DENIS Il y a deux sortes d’archaïsme. L’un, qui court les rues, archaïsme de boutique, copiste impuissant, vole les morts comme le plagiaire vole les vivants, sans savoir se servir du produit du larcin, incapable qu’il est de se l’assi-miler. L’autre, au contraire fécond, prend sa source dans l’amour passionné d’un artiste pour certaines formes du passé; il voit en elles un idéal qui manque au présent, idéal avec lequel il s’efforce d’entrer en communion. Celui-ci seul peut irer du passé des trésors nouveaux, parée qu’il donne plus qu’il ne prend, et que ce qui le passionne dans l’art ancien, il l’en extrait pour l’appliquer à la pensée d’aujourd’hui; parce qu’en un mot, ce qu’il voit dans le passé fait marcher ce passé. L’archaïsme de Maurice Denis est de cette espèce rare; le rôle qu’il joue dans son oeuvre, et qui lui est tout personnel, n’apparaît que comme tout-à-fait accessoire. Les primitifs italiens l’ont séduit ; datas Giotto et d’autres du même temps il a trouvé un charme dont il a voulu que son oeuvre aussi fût imprégnée ; mais il sait être lui-même dans tout ce qu’il fait. Il a tra-vaillé à Florence; il ne s’y est point fait florentin. Les archaistes qui n’ont que du métier — c’est à dire le grand nombre — s’évertuent à déguiser 204