L’ART DÉCORATIF sout exquises, s’il ne lui avait pas été permis auparavant d’essayer ses idées, de préciser ses intentions, d’assouplir sa manière. Il v a dans la succession de ses oeuvres une gradation con-tinue, un progrès constant qui montrent qu’après chacune d’elles son goût s’est épuré, son indi-vidualité s’est dégagée, pour atteindre enfin à cette maîtrise qui dénote l’artiste vraiment per-sonnel. Ainsi Plumet est parti des principes de con-struction du moyen-age; il les a scrupuleusement appliqués, mais en les adaptant avec habileté aux matériaux et aux besoins d’aujourd’hui, en profitant de tous les progrès scientifiques et industriels. Ainsi ont surgi des formes qui lui appartiennent en propre. Grâce à ses efforts, notre architecture privée a fait un pas considérable. Tandis que s’étalent tant de productions d’un mauvais goût insigne, tandis que se succèdent des incohérences qui déconcertent la raison, Plumet a orienté le sentiment moderne et ramené notre architec-ture vers les sources les plus pures de sa ré-génération. Il a rappelé les conditions, trop longtemps négligées, en dehors desquelles il ne saurait exister de véritable beauté: la sincérité dans le développement du programme à rem-plir, l’adoption d’une structure générale qui soit la franche expression de ce programme; la parfaite connaissance des matériaux et leur adroite mise en oeuvre suivant leur puissance et leur fonction, le choix d’une ornementation discrète et calme, bien pondérée, qui complète et en-richisse l’oeuvre sans la surcharger, qui donne de l’accent aux éléments de construction sans les dénaturer, qui ajoute à l’unité de l’ensemble, et contribue à sa parfaite harmonie. Ces préceptes — c’est le cas de le dire —sont renouvelés des Grecs; mais que d’archi-tectes les méconnaissent encore et s’imaginent rajeunir notre architecture en nous servant de mauvais Louis XIV ou Louis XV, à toutes sortes de sauces, plutôt écoeurantes, ou bien en allant demander à l’étranger un style qui ne peut nous convenir! L’art de Plumet est bien français, car il est fait de clarté et de logique; il est bien moderne, car on n’y sent pas de réminiscences du passé. Considérez ces façades de l’avenne Malakoff et de la rue de Tocqueville dont tout le charme réside dans la franchise absolue de l’expression. La variété y naît des colorations dis-erses des matériaux. La sculpture y joue un rôle sobre et leS moulurations, modelées avec une saveur toute spéciale, s’estompent d’ombres douces. Les baies sont égayées par les teintes vertes de leurs menuiseries; les balcons se développent en gracieux enroulements. Point d’inutile et fastidieuse corniche pour couronner ;ourdement l’édifice; mais un simple encorbellement d’une courbe élégante qui supporte une svelte galerie faite de colonnettes dont les chapiteaux sont les sommiers des arcs en brique émaillée qui les réunissent. Il faudrait analyser encore la décoration intérieure, les panneaux en grès flammé et les pavements en mosaïque des vesti-bules, les tentures, les ferronneries de la cage de l’ascenseur, les vitraux, la quincaillerie, les appareils d’éclairage électrique. Pas un détail où n’apparaisse la personnalité de l’artiste. La disposition et l’éclairage des deux escaliers, séparés l’un de l’autre par des cloisons en briques de verre, est des plus heureuses. Enfin, la collaboration d’artistes tels que M.M. Selmers-heim, Charpentier, Gaudin, Aubert, novateurs dans les arts du décor, comme Plumet dans l’architecture, complète cette oeuvre, qui est assurément un modèle parfait. M. Plumet n’est pas moins heureux dans le meuble, pour lequel il a trouvé une formule aussi neuve et sobre que celle de son architec-ture. Ses travaux dans ce domaine ont rencontré le succès dès le début; les fomies imprévues de ses meubles, un peu grêles à mon sens, mais d’une élégante souplesse, d’un charme raffiné, et d’un caractère franchement français, ont plu de suite au public. Seul ou en colla-boration avec M. Tony Selmersheim, Plumet a composé des salles à manger, des salons, des chambres à coucher, et prouvé que le rôle de l’architecte doit s’étendre aux moindres détails de la décoration intérieure. Le moment approche où le public sera las de l’éternel rabâchage, où l’on n’osera plus demander à un architecte de la Renaissance du néo-grec ou du Louis XVI., et où le fatras de l’ornement parasite sera dédaigné de tous. Plumet est l’un de ceux à qui nous le devrons. CAMILLE G ARDELLE M. TONY SELMERSHEIM M. Tony Selmersheim a conquis très-jeune une place distinguée dans l’art appliqué, et l’a conquise — fait assez singulier — dans une voie toute différente de celle où ses études le conviaient à marcher. M. Selmersheim, en effet, est sorti il y a quatre ou cinq ans de l’Ecole Guérin, dont l’enseigne-ment forme surtout des décorateurs de surface; or, il ne s’occupe pas du tout de décoration, mais il est en revanche un habile modeleur. Comme M. Plumet, M. Aubert et deux ou trois autres artistes, M. Selmersheim est un des 203 air