L’ART DÉCORATIF Poe, pour Flaubert et de Goncourt; s’associant aux tentatives qui, dans les arts et dans les lettres, ont ouvert des voies inconnues et sus-cité des idées nouvelles, ont élargi l’horizon et essayé d’améliorer l’avenir social, il s’est montré en toute occasion un intrépide combattant d’avant-garde. Ces préférences ont garé son esprit des lassantes redites et des stériles re-commencements. Rebelle aux formules usées qui ne répondent à aucune de nos aspirations actuelles, mordu par l’âpre désir de perfectionne-ments et de transformations logiques, il s’est tourné résolument du côté de l’éternelle vérité et de la saine raison, qu’une loi fatale fait toujours triompher tôt ou tard. Il s’est ainsi proposé un but très net, vers lequel ont tendu ses efforts. Le parfait équilibre de son cerveau l’a pré-servé des folles expansions de soi-disant nova-teurs qui, sous prétexte d’art moderne, se sont perdus en extravagantes fantaisies, dont la dé-mence effare le publie au lieu d’épurer son goût. Ces excès d’une juste réaction, loin d’exciter sa curiosité, provoquent sa méfiance. Plumet a tout simplement pensé que l’archi-tecture doit être le reflet d’une époque et que le rôle de l’architecte consiste à exprimer, dans ses oeuvres, les principaux caractères de cette époque. Il a observé les principes rationnels du moyen-age, qui furent déterminés avec tant de clarté que leur application reste toujours aussi juste, avec les nouveaux moyens d’action dont nous disposons aujourd’hui. Si l’architecture de notre temps a manqué d’originalité, à une époque où la puissance vitale, l’esprit d’examen, la quantité des ressources auraient dû faire éclore des oeuvres très caractéristiques, c’est que cet art s’est stérilisé dans des pastiches grossiers, encouragés par des doctrines caduques. Si son développement a été compromis trop longtemps, la faute surtout en est aux mensonges commis aussi bien dans la com-position de l’ensemble que dans l’étude des moindres détails des édifices. En architecture plus que dans tous les autres arts, il faut être vrai et dans le vrai réside la réelle beauté. C’est être vrai que suivre un programme avec rigueur et le remplir en satisfaisant avec exac-titude aux conditions imposées ; c’est être vrai que faire des matériaux un judicieux emploi, selon leur nature particulière et leurs propriétés respectives. Ainsi sont engendrées les lignes harmonieuses, les formes aisément compréhen-sibles; ainsi naissent les partis simples, ennemis de complications inutiles, les seuls qui puissent produire une sérieuse et profonde impression. Cette sincérité absolue est la qualité essen-tielle du talent de Plumet : elle est encore si rare chez la plupart des architectes, qu’elle paraît toute nouvelle. Ce parti pris de franchise, il le manifeste dans ses premières oeuvres, dans ces maisons de la rue Legendre, de la rue Léon Cosnard, de la rue Truffaut et de la rue de Lévis, où déjà s’indique une louable recherche de ratio-nalisme; où nettement se lit la construction, soumettant le décor à ses exigences. Plumet considère modestement ces constructions comme des tâtonnements vers un art plus libre et plus indépendant; on y sent néanmoins le souci d’arriver, par des moyens économiques, à un effet de sobre élégance. Aussi bien par les aménagements intérieurs que par l’apparence extérieure, il transformait, dès ce moment, de la manière la plus heureuse, le type de la maison de location. Alors que le bow-window était peu ou maladroitement employé, il en créait d’une forme tont-à-fait neuve, qu’il savait varier selon le programme donné ou la disposition du plan général. Il tirait de la flore des ornements répartis avec méthode aux seuls emplacements où leur utilité se faisait sentir. S’évadant de la plate banalité, de la maison de rapport il faisait enfin une oeuvre d’art. De tous les artistes, l’architecte est le plus à plaindre, en ce sens qu’il lui est refusé de retoucher ses œuvres, même lorsqu’elles ne le satisfont pas complètement; s’il leur reconnait quelques défauts après leur achèvement, il lui est alors bien difficile, trop souvent même impossible de corriger les imperfections. Du projet à son exécution, que de détails changent d’aspect; que de surprises sont réservées, par-fois désagréables, auxquelles on ne s’attendait guère! L’expérience est longue à acquérir avant de produite l’oeuvre à peu près irréprochable, celle au moins oit se manifeste une originalité bien définie, un talent sûr de soi-même. Plumet ayant beaucoup construit à l’âge oit d’autres attendent encore l’occasion de réaliser leurs conceptions, a pu rapidement parvenir à cette maturité, à cette assurance qui préservent des erreurs. Je doute que, du premier coup, il eût construit ces deux maisons de l’avenue Malakoff et de la rue de Tocqueville qui, de tous points, 202 FIND ART DOC,