L’ART DÉCORATIF Camille Lefèvre ne pouvait s’accommoder des vieilles formules décoratives. Il rejeta la défroque classique, la cuirasse et le casque, le péplum et le cothurne. Quand, par hasard, on lui interdit pour ses oeuvres l’usage du costume d’aujourd’hui, plutôt que d’exhiber les anciens oripeaux, il arbora la simple nudité qui n’a point de date, qui demeure toujours neuve et troublante merveille. Aussi, devant le péristyle du Grand Palais, afin de personnifier é la peinture », dressa-t-il une femme à la chair abondante, caressée de lumières blondes, d’ombres fondues, tenant une palette à la main. L’allégorie, certes, n’avait rien d’académique, c’était un bel être robuste, une créature de Rubens, c’était la joie de peindre — et de poser nue — dans le plein air et la clarté. Mais Camille Lefèvre eut, dès le commencement, le souci du drapé moderne, ce que le sculpteur Millet, son professeur, appelait, avec un mépris indicible, son goût pour tt le torchon A l’exemple de Constantin Meunier, statuaire magnifique de la misère sociale, il glorifia la blouse du prolétaire. Et le type féminin, élu par lui pour personnifier son idéal, il le vétit du long sarreau flottant. Il avait surpris l’ou-vrière parisienne dans ce costume de travail. Il avait admiré comme les plis de l’étoffe accu-saient la jeunesse vivace du corps, le mouvementde la taille, le gon-flement de la Poitrine et des hanches. Il avait aimé l’accord du l’humble mise avec le caractère du visage, le nez mobile, le tin menton, la gravité des yeux corrigée par la riante douceur des lèvres, le front lisse et fermement construit sous le clair bouffant des cheveux. Ainsi vétue, l’en-fant laborieuse lui semblait tout à fait elle-mème. Elle s’appelait «Louise» ou « Florise Bonheur». Esprit averti, coeur loyal, trop tendre parfois, c’était la gràce de Paris et sa Muse. Alors, dédaignant les grandes danses mythologiques, les Junon, les Minerve, les Cérès et leur corne d’abondance, Camille Lefèvre déposa ses rêves humanitaires dans le tablier d’une brunisseuse. La brunisseuse les emporta, ces rétro, aux plis de son tablier, parmi des outils et des fleurs. Dans le haut relief destiné à la mairie d’Issy, paru au Salon de toot , elle s’avance, retenant de la main droite le mar-teau, les tenailles, les épis, les bleuets, re-cevant de l’autre une branche d’olivier. Car, derrière elle, trois figures féminines, 1789, 183o et 1848, nouent une chaîne de gloire et lui passent le symbolique rameau. Elle est le dernier chaînon ; elle va continuer le rythme, poursuivre dans la paix Pauvre commencée dans l’orage. « La Tradition ré-publicaine », cette chose est belle par la noblesse de l’idée et la sûreté de l’ordon-nance ; belle surtout par la figure de l’enfant, grave, douce, fervente qui annonce les temps fraternels. Cette fine muse plébéienne, nous Flacon !tiré du pissenlit/ FIND ART DOC,