L’ART DÉCORATIF Bas-relief d’autel eut une enfance simple, mêlée au peuple, studieuse et rêveuse aussi, nourrie de lec-tures au-dessus de son âge. Il aimait la représentation des choses. Il dessinait, le soir, ses pieds et ses mains en silhouette contre le mur de sa chambre, il modelait des bonshommes avec l’argile destinée à boucher les fentes des tonneaux. M. Lefiràœ ne contraria pas cette vocation. Camille suivit les cours de l’École des Arts déco-ratifs ; puis il entra à l’École des Beaux-Arts, y glana toutes les récompenses qu’on y pouvait obtenir, y remporta le second grand prix de Rome et, la quittant, s’apercut qu’il n’y avait rien appris. Certes, il savait toutes les recettes académiques, il avait exécuté, selon la formule, un morceau con-sidérable le fronton du Crédit Lyonnais ; mais il ignorait le mouvement, le libre jeu des forces naturelles, il ignorait la vie. Cou-rageusement, il résolut de la con-naître. Laissant les cartons et les plâtres, le répertoire poudreux du passé, il s’en alla dans la rue. Il prit alors conscience de la plastique ani-mée, il vit les corps marcher ryth-miquement, en équilibre, livrer leur intime mécanisme, affirmer leurs reliefs dans la lumière cale, surgir, simplifiés, dans la brume de l’aube ou la pé-nombre du crépuscule. Il comprit le rôle de l’ambiance ; l’atmosphère lui enseigna les plans et les valeurs, c’est-à-dire les lois mentes de la sculpture. Mais, tandis qu’il suivait par les fau-bourgs les types de la nation ouvrière, il s’intéressa à leur existence, il connut la rigueur de leur sort, scruta leurs regards, leurs rides, leurs sourires, devina leur résignation courageuse, l’héroïsme de leur gaîté ; il se prit pour eux d’un véritable amour, fait d’admiration, de piété sérieuse et tendre. Puis il rentra dans son atelier, sans fermer la porte ouverte si heu-reusement aux souffles du dehors, et, presque aussitôt, il créa de belles œuvres, car il venait d’avoir en même temps la révélation du monde des formes et de celui des âmes. Ce fut d’abord une figure nue, «La Visionnaire’,, debout sur un roc, domi-nant les flots d’oit les races émergent à la lumière candide, regardant monter au loin l’aurore des nouveaux jours. Cette allé-gorie personnifiait le rêve humanitaire du sculp-teur et s’épigraphiait des vers de Victor Hugo «Temps futurs, vision sublime ! — Les peuples sont hors de l’ab➢me » Malgré des réminiscences classiques, elle avait de l’accent et séduit Rodin. Après, ce fut iiDans la rue » ; le titre significatif disait les flâneries à travers les quartiers pauvres, le souci de faire connaître et de faire aimer les humbles. «Dans la rue une femme du peuple pas-sait, par un jour d’hiver, grelottant sorts ses vêtements minces et tenant un enfant. Elle respirait la plus inquiète tendresse. Le marmot, drôlement encapuchonné, appa-raissait exquis. Sans doute, il sortait un peu des plans généraux de l’oeuvre, n’était pas dans e la couleur « exacte de la mère, mais Camille Lefèvre, en constatant cette erreur, se pénétrait davantage des nécessités d’ha, 282 Bus-relief el FINI ART DOC