SEPTEMBRE 1902 CHRONIQUE ANS doute il n’est pas trop tard pour parler encore de lui — du campanile de Saint-Marc, qui s’effondrait au moment où nous mettions sous presse notre dernier numéro. L’é-vénement est d’assez grande importance artis-tique pour que l’on y revienne, d’autant plus qu’il attire l’attention sur d’autres monuments menacés de diverses sortes. Notre art moderne ne serait point s’il n’avait, pour lui montrer la voie, une longue lignée d’ancêtres ; et ce n’est jamais nous qui répu-dierons les nobles témoins du passé. A ce point de vue, l’écroulement du campanile a fourni l’occasion à un dangereux snobisme de se ma-nisfester : parmi les regrets universels, il fallait bien que quelques-uns prissent soin de formuler une opinion plus rare, et de décrier l’édifice que l’on songeait déjà à ressusciter. Les esthètes ont eu tort, et il faut être allé à Venise en bien vague touriste pour n’avoir pas appris à sonner les mérites d’architecture de ce clocher de Saint-Marc, que tous ses détails — malgré ce qu’on en a dit — contribuaient merveilleu-sement à alléger. Ce seraient là des discussions futiles, si de pareilles assertions proférées d’une autre tour —d’ivoire, celle-là — ne réussissaient à jeter le trouble clans quelques croyances mal assises. La catastrophe ouvre les yeux à d’autres périls. Il faut prévoir afin de pourvoi, comme disent les philosophes ; et nous avons encore trop pré-sentes à notre souvenir toutes les commissions scientifiques de la Martinique, qui déclaraient absurde toute crainte de danger. L’art a aussi ses irréparables cataclysmes. Or, à Venise même, on signale la chute d’un chapiteau dans l’église San Giovanni e Paolo. Quelques journaux dou-blent l’impression de ce nouveau malheur, en parlant aussi de San Zanipolo — qui n’est que le nom populaire de la même église (tout le monde n’est pas forcé de connaitre le patois vénitien) ; mais d’ailleurs, le clocher de San Stefano menace ruine par surcroit. A Florence, le campanile de San Francesco est, dit-on, sérieusement ébranlé par la foudre, et le palais ducal d’Urbino donne des craintes. Autant de ravages dont le temps est respon-sable, et qu’il faut s’efforcer d’entraver. Mais que dire des cas où la malveillance et l’incurie sont seules en jeu ? Nous livrons sans commentaire cet entrefilet de la Chronique des Arts, qui sou-lèvera l’indignation de tous les fervents de l’Italie, et réussira, nous l’espérons, à ramener une sur-veillance suffisante Qui ne connais à Vérone la superbe église San Zeno ? Ceux qui iront la voir pourront constater que sa belle façade de marbre, ornée de pilastres et de bas-reliefs, teintée d’une si belle patine dorée, est percée d’une trentaine de trous, qu’on croirait de prime abord produits par des boulets de canon. Ce sont les enfants du voisinage qui s’amusent depuis plusieurs années à forer ces trous à l’aide de gros cailloux, pour le plaisir de respirer l’odeur de soufre dé-gagée par le choc du silex sur le marbre. Celui qui écrit ces lignes a vu ces gamins à l’ceuvre. Le sacristain qu’il interpella sur cette incurie désolante et sur la facilité de faire cesser ce jeu en corrigeasse quelques-uns de ces inconscients vandales, répondit «Je m’en garderai bien, je recevrais un coup de couteau d’un des pères. f Quant au curé et aux autorités, il n’y a pas à compter sur eux. c San Zeno ne croulera pas pour si peu, diront les indifférents et les fonctionnaires. Mais sa façade est mutilée aux yeux des gens civilisés qui viennent en Italie pour admirer les trésors que souvent les habitants ne semblent ni com-prendre ni estimer. ç M SERRURIER-Bose, donnant suite à une demande qui lui fut maintes fois faite, vient de décider d’ouvrir prochainement, pour un nombre très limité de jeunes gens, un cours s’appliquant spécialement à l’architecture intérieure, au mobilier et aux différentes indus-tries d’art qui s’y rattachent. La compétence et l’expérience bien connues de M. Serrurier et l’appoint précieux de ses ateliers dans lesquels les élèves pourront s’initier à la technique de ces industries constitueront un enseignement tel que ne le pourrait donner aucune école. Les renseignements peuvent être demandés à M. G. Serrurier-Bou, 41, rue Hemricourt, à Liège (Belgique). Lle.N3S DuLurr va enrichir considérablement les collections de la Ville de Paris, qui pren-dront place au Petit Palais, sous la direction de M. Georges Cain. Le Conseil municipal vient de statuer sur l’acceptation de ce legs, d’après l’éloquent rapport de M. Quentin-Bauchart, qui s’est fait au Conseil la spécialité de défendre toutes les causes d’art ; et le public sera à même d’admirer avant longtemps les trésors réunis par Auguste Dutuit. En effet, le testateur impose l’acceptation du legs dans un délai maximum de deux mois après le décès, et l’exposition des collections quatre mois après au plus tard, c’est-à-dire le I i janvier 1903. Sous peine de se conformer à ces conditions, la Ville de Paris verrait l’aubaine s’envoler pour aller enrichir la Ville de Rome. Nous n’avions pas à craindre qu’on lui laisse passer les Alpes. D’autant plus qu’un don accessoire de près de quatre millions pourvoit à l’organisation de la collection dans les galeries Municipales. 261 FIND ART DOC