SEPTEMBRE 1902 Hôte tour à tour, dans un ordre qui est par lui-même un renseignement psychologique d’intérêt général. Et c’est encore par un autre côté qu’attire cet artiste, par sa pro-fonde conscience, par son curieux choix restrictif, par sa volonté d’une ligne de conduite excluant certains domaines où la réussite plus facile s’offrait. Très peu d’hommes montreront cette maî-trise de soi, cette retenue de l’ima-gination devant la fidèle obser-vance du réel dans l’art plastique. Mais tout cela est éloge d’un caractère : le peintre n’a pas à se repentir des décisions de l’homme. Nous lui devrons, sinon tout à fait les seules — et il ne s’en faut guère — du moins les plus origi-nales effigies de jeunes filles que notre temps ait vu peindre. Il y a nais tous les dons de vision douce et de tact mélancolique d’un esprit presque frileusement replié sur lui-même, et une gràce française bien prenante. Il en a restitué l’exact degré psycholo-gique, il leur a trouvé un style personnel, il ne les a pas affu-blées de cette «vérité de tableau» que dément la vie ordinaire. Il a excellé à définir l’age ingrat et ses charmes de gaucherie, le conflit subtil de la spontanéité enfantine et de la retenue de la fillette qui va devenir jeune fille : il a, dans cet ordre d’idées, réussi ce que tant de peintres et de romanciers ont si complètement manqué. Et M. Jacques Blanche est aussi un rare peintre d’étoffes, un dessinateur de carac-tère sachant noter les plis familiers, les déformations légères suggérées au costume par l’accoutumance du corps qui l’habite. Il plaît par on ne. sait quel attrait sérieux, doux et pensif, par la vérité lente de la somme d’observations sagaces, et n’ayant cherché que le vrai, il a trouvé en lui une distinction non préconçue, nota sty-lisée, qui reste limpide et pénétrante, et qui parfume toute son œuvre. Je n’aperçois pas de personnalité plus soigneusement maîtresse d’elle-même, mieux préparée, plus prudente et plus ferme, parmi les peintres nouveaux qui se sont libérés de l’académisme, puis de l’impressionnisme, puis de la désinvolture sommaire qui carac-térisa, il y a quatre ou cinq ans, ce qu’on PORTRAIT DE M. MAURICE BARRÉS pouvait appeler « la peinture Champ-de-Mars ». C’est avec joie qu’on verra tua peintre ayant su éviter ce dernier genre de cliché, nota le moins dangereux, et se référer avec purisme aux principes essentiels de son art, en fuyant la virtuosité, en ne se jetant pas non plus au-devant des difficultés pour faire montre de son adresse, mais en ne les esquivant jamais et en les résolvant avec une constante honnêteté professionnelle. Le plus clair de l’originalité de M. Blanche sera d’avoir été mieux récompensé par cette hon-nêteté que par la facticité brillante qui s’im-pose si vite à la majorité peu avertie, niais qui connaît de si décevants et si subits revers. CAMILLE MACCLAIR. 233