L’ART DÉCORATIF des neiges et des eaux vives! Là M. Blanche était enfin pleinement lui-même, un peintre sachant atteindre au décoratif par les moyens les plus naturels, un beau virtuose franc et sobre. Il ne retenait plus des leçons de son maître que l’essentiel, la simplicité large de la touche, l’exécution avec peu de pâte, des dessous de tons entiers et des glacis trans-parents, des coulées d’essence teintée sans lourdeur, se superposant à ces dessous et donnant le miroitement de la lumière sur les valeurs et sur les plans sagement établis. Au même Salon l’artiste s’affirmait un maître par d’autres portraits, celui de Mm. Blanche, en noir, celui du jeune peintre Aubrey Beardsley, mort à vingt ans après avoir laissé espérer par ses dessins d’une précocité presque effrayante un indubitable génie décoratif. Peut-être moins bien peint que les autres, hâtivement brossé au hasard d’un voisinage de villégiature, ce portrait reste une oeuvre exquise de jeunesse et de caractère. Des effigies d’enfants, de jeunes filles, complétaient l’envoi, et à cette époque M. Jacques Blanche produisit énormément, pris d’une véritable fièvre, jamais content et jamais découragé. Des natures-mortes, de petites figures, des liseuses, des fillettes furent les motifs de son inlassable recherche, obsédée du souhait d’une exécution tout à fait simple où nulle touche ne fût mise pour elle-même, hors de son immédiate utilité expressive. Il est telle de ces études qu’on assimilerait vraiment à une écriture cursive, tant le dédain de l’effet y est flagrant, tant on sent que l’artiste désire la concision, s’in-terdisant même l’idée du e régal de palette ”. En 1897, un Portrait de famille plaisait par ses noirs fumeux et mats sur un fond de jar-din. L’année suivante le beau portrait de M. et Ni.‘ Henry Gauthier-Villars assis sur un banc, dans des feuillages, avait grand air par la facture large et les souples passages de tons autant que par la finesse compré-hensive des attitudes. Et enfin le portrait de Jules Chéret était peut-être la meilleure œuvre de M. Blanche. Chéret apparaissait là tel que ses amis intimes seulement l’ont pu bien connaître , alors qu’ils le voyaient travailler en fumant une cigarette. A peine assis au quart du tabouret, le torse élancé, une jambe nerveuse-ment crispée, l’autre détendue comme dans la projection de la fente à fond de l’escrime, le grand corps svelte, gainé de drap noir, se cambre : la tête fine, dont la moustache blanche étonne dans ce sur-prenant visage frais, se penche pour viser l’endroit exact où sa poser la touche la main qui sur la palette la prépare, les bras ramenés au corps. Comme un fleuret va jaillir le pinceau du jet vif de la fié-vreuse main dont les doigts uselés le darderont: on sent l’énergie, la décision, l’achar-nement du grand décorateur Inique, en tout son orga-nisme invraisemblablement jeune. Dans cette vaste sym-phonie sombre, la note rose st blanche de la tête brille au TI- urrri 23o