L’ART DÉCORATIF H. SAUVAGE Dès ses débuts, M. Henri Sauvage a pris rang, sans hésitation ni mollesse, dans la petite phalange des novateurs, et c’est avec une émotion affectueuse que je suis la marche en avant de ce jeune homme chez lequel je n’ai jamais relevé ni une lâcheté ni une défail-lance. Sa dernière oeuvre, l’hôtel de M. Ma-jorelle à Nancy, résume, en quelque sorte, les principes de l’art moderne et coordonne, avec autant de logique que de talent, les lois d’un code dont personne encore n’a précisé le concept fondamental. Avec soin, ou d’instinct plutôt, l’auteur a évité de tomber dans l’erreur grave qui consiste à habiller de formes originales une conception banale. Ce n’est pas seulement l’extériorité qui s’affranchit du joug pédant de l’Institut, c’est l’ensemble, c’est la vision, c’est l’esprit général de la composition qui dénotent de la jeunesse et de la vitalité, de l’invention et de l’ingéniosité. Se préoccupant avant tout du sujet à traiter, M. Henri Sauvage a doté la villa nancéenne d’un caractère spécial, celui d’une habitation ni somptueuse, ni vaniteuse, d’une habitation qui ne doit être la demeure ni 204 VILLA MAJORELLE, A NANCY d’un parvenu, ni d’un prince, d’une habita-tion qui ne cherche nullement à exciter l’envie des passants par l’exhibition d’un faste menteur. Nous devinons la maison d’un artiste sensitif et affairé, au cerveau cultivé, l’oeil délicat, que le jugement d’autrui préoccupe peu et qui désire seulement vivre d’une vie propre dans une atmosphère éle-vée, intelligente et pure. Et, de prime abord, l’architecte fi porté tous ses soins sur le plan, dont il a soigné amoureusement l’aménagement pratique, peu soucieux de sacrifier niaisement les commo-dités de l’existence aux exigences intempes-tives des élévations. La façade principale est orientée au nord, mais les pièces secon-daires, les pièces d’un usage momentané, comme l’escalier, seules y prennent jour, ainsi mie l’atelier, tandis que les chambres s’éclairent au midi. Comme les pièces accep-tent loyalement leur destination spéciale, les quatre façades sont différentes, non par soif de bizarrerie, mais par la mathématique réso-lution du problème présenté. Et cette absence de symétrie non seulement permet de lire le plan à livre ouvert et sans triche-