AOUT 1902 Les enfants n d’Euâène Carrière sont sur-. chargés de pensées précoces: à travers leurs crânes tendres miroite la lueur phospho-rescente de l’intellect qui s’élabore, leurs regards sont insondablement graves, ils portent en eux tout un programme de souffrance et de réve. Les futures luttes sociales, les transformations de la morale s’ins-crivent sur ces vi-sages ombreux ce sont des messagers de la race de de-main, et une mé-lancolique maturité les fatigue, de cette fatigue divine et mystique déjà er-rante ans fronts des infantes de Velus-que,. Les enfants de Renoir et de Besnard ne sont que des fleurs et des fruits; d’une délicate animalité , ils ne vivent que par l’ef-florescence de leur chair duvetée, dont la pulpe fraiche n’est pas encore imprég-née du suc de la conscience. Les fil-lettes de Ma= Bres-lau sont animées d’une vie nerveuse, leurs yeux sont fins, leurs gestes déjà re-tenus et stylisées parl’éducation.Elles ont, pour première forme de pensée, l’obéissance aux convenances jolies. D’autres peintres s’efforcent d’esquisser l’adulte à travers l’enfant, ou, s’ils le montrent au pre-mier tige, vagissant et presque informe, ils s’attachent à suggérer par lui toute l’obscure terreur du non-être, ils évoquent en cette larve la vie pré-organique; s’ils le dotent d’une âme, elle est trop âgée, ou alors elle ressort du spiritisme. Miss Mary Cassatt aura eu le mérite rare de noter l’âme de l’enfant dans sa pre-mière phase, à deux ou trois ans, et de ne la montrer ni anticipée ni informe, par la seule force d’un regard de pénétrant peintre MÈRE ALLAITANT SON ENFANT, PASTEL qui ne sépare pas la chair de l’esprit, et elle aura dû à son admirable sincérité picturale de pouvoir réussir en cette recherche si difficile sans recourir à aucun artifice intel-lectuel. Elle fait de la peinture, et rien de plus, elle figure ce qu’elle voit; elle n’use ni du stratagème de l’ombre, ni du décor, ni de l’allégorie — et l’analyse à la fois large et patiente de son dessin précise, par le geste .79