JUILLET 1902 CHRONIQUE EXPOSITIONS nuMOIS. — La photographie s’in-troduit de plus en plus dans le domaine des artistes. Après cette exposition réservée aux épreuves à la gomme bichromatée, qu’ouvrit le Photo-Club — et qui occasionna l’article docu-menté, dû à la plume d’un spécialiste, que nous avons publié dans notre derniernuméro — le même cercle nous a donné son Salon annuel, où bien d’autres essais personnels ont pu se faire jour ; puis voici qu’un des représentants les plus en vue de- la nouvelle école américaine, M. Ed. J. Steichen, réunit, à la Maison des Artistes — en même temps que des peintures extrêmement subtiles et pénétrantes, figures mises en valeur par l’entourage ou le geste, et paysages saisis aux heures évocatrices — une série de photo-graphies qui gardent le même accent de vision personnelle, soit dans les impressions de nature, soit dans les portraits où le modèle reste bien caractérisé, comme ceux de MM. Rodin, Bes-nard, Thaulow, I.embach, Bartholomé, Gustave Soulier, Maeterlinck et d’autres. C’est là une manifestation tout à fait significative. Un artiste d’un beau tempérament nous est apparu clans les esquisses, pleines de fougue et de couleur, de M. Dreyfus-Gonzalés, réunies à la Maison des Artistes, ue Balzac. On sent là une main très rapide, qui ne s’attarde guère et n’a pas la patience de revenir, mais qui dans sa rapidité garde le sentiment de la disposition, des profonds accords de tonalités, dégageant l’éclat des chairs, des yeux, des lèvres. En sur-veillant sa facilité, l’artiste peut nous donner de’s œuvres d’un vrai peintre, solides et franches. Relevons la bonne idée qui a fait grouper à M. Durand-Ruel une collection d’œuvres sic Renoir, qui aidera à mieux connaitre ce maître, trop ignoré, et à sentir la puissante influence qu’il a eue sur quelques-uns des meilleurs pein-tres de l’heure présente. La belle étude de M. Camille Mauclair que nous avons eu l’avan-tage de publier est aussi venue à son heure pour rappeler l’importance de cette œuvre, ses saines et puissantes qualités. N’oublions pas non plus de mentionner, à I’« Art Nouveau Bingo, les peintures et dessins de M. Paul Signac, un pointilliste sincère, et chez lequel le procédé adopté est le résultat d’une étude sérieuse, c’est-à-dire qu’on ne le rencontre que dans la mesure où il doit rendre l’effet cherché. Chez Georges Petit, l’exposition de l’ancienne collection Humbert a pris une importance quasi historique; et malgré une abondance peut-être excessive de Roybet, marquant une prédilection pour le copieux o et le bien nourri,, en pein-ture, de beaux morceaux, tels que ceux d’Isabey, de Fromentin, de Daubigny, de Stevens, et ce Roi David, hautain et désolé, de Gustave Mo-reau, marquent que, là encore, les Humbert avaient auprès d’eux des guides sûrs. G. S. Vu rue Pelouze l’exposition des œuvres du peintre Henri Lebasque. Ces toiles pleines de soleil séduisent par l’imprévu et l’aisance de la composition, l’audacieuse justesse des effets,’ la subtilité des atmosphères, par des harmonies à la fois douces et vives, par la franchise d’une touche qui laisse aux ciels, aux verdures, aux figures de femmes et d’enfants leur fraicheur, leur mouvement, leur grace libre et vivante. La lumière, que nous voyons abandonner les œuvres de nos meilleurs paysagistes, se concentre et s’exalte dans les tableaux du peintre Lebasque. Chez Sagot, rue de Chateaudun, exposition des gravures sur bois du D, Paul Colin. C’est la brusque révélation d’un tempérament d’artiste, sensible et réfléchi, plein de vigueur et de sin-cérité. Aux échoppes et aux burins des modernes graveurs, le D! Colin a préféré le canif des vieux xylographes, d’Albert Durer, de Lucas de Chra-nach, de Hans Lutzelburger. Grace à l’outil pri-mitif, il a lise les visions d’une âme inquiète, hantée par, les hallucinations cl’Edgard Poe et d’Hoffmann. Puis il a regardé la vie. Il l’a re-gardée longuement, intensément; il l’a repro-duite dans sa réalité puissante, dans ‘son grand mystère coutumier. i.e Semeur, le. Maréchal-ferrant, le Troupeau dispersé, .la Péniche, le Bitcheron, ce sont des images vivantes et symbo-liques, c’est du réel scie fOnd de rêve. L’exposition ,posthume de Toulouse-Lautrec. chez Durand-Ruel nous a permis d’embrasser dans son ensemble une œuvre forte, acérée, amère. Peintures, pastels, crayons, lithographies, toutes les productions de Toulouse-Lautrec prouvent un don de pénétration singulier, un dessin synthétique et précis.. Après une intéressante exposition de dessins et d’eaux-fortes de M. le Pan de I.ignv , l’un des meilleurs disciples de Gustave Moreau que la Bretagne attire, — l’éditeur Hessele vient de nous montrer, rue Laffitte, une nouvelle série iné-dite de peintures et de pastels-de-Ramon Pichot, l’artiste barcelonais, dont notre collaborateur [73