JUIN 1902 IL N. IIRINET dans la décoration. Sauf l’image de Deux Sœurs, admirablement chaude et vivante, où triomphe la maîtrise de John Sargent — le grand succès mondain et la joie artistique du Salon — sauf la dame en bleu, porteuse de pavots, figure de coloris un peu factice, mais allégrement brossée par M. Louis Anquetin, sauf le portrait de Bffirnson dû au peintre danois Kroycr, sauf les Bai-gneuses de Lerolle, sauf quelques rares tableaux du vibrant paysagiste Lebasque, de MM. Dauphin, Da rn oye , Dumouli n, Montenard, les toiles exposées paraissent sombres, parfois même volontairement ter-nies. On devine en certaines une flamme qui brûle obscurément, comme derrière un verre épais et fumeux. Aussi bien plusieurs critiques ont signalé cette mode, cette préoccupation de faire le vieux tableau, la toile de musée. La cause s’en découvre aisément. Dégoûtés d’un réa-. lisme vulgaire, d’une peinture sans choix, sans expression, qui fut l’idéal de leurs aînés, jugeant insuffisante d’autre part la manière impressionniste, simple enregistreuse de sen-sations visuelles, les artistes actuellement âgés de trente à quarante ans se tournèrent LA tanin OH MUN. avec anxiété vers les maîtres. Ils interro-gèrent Rembrandt, Le Titien, Le Vinci, Proudhon, pour la figure, Le Poussin, Claude Gellée, Ruysdaël, ainsi que Théodore Rousseau et Corot, pour l’interprétation du paysage; ils leur ravirent les secrets de la composition, de la synthèse et du style. Ils leur prirent aussi, par surcroît, quelques façons de dire un peu surannées, quelques habitudes trop individuelles et jusqu’à la pa-tine brune ou dffiée dont le temps avait recouvert leurs chefs-d’neuvre. De là ces airs anciens, ce hâle de l’âge sur de jeunes visages, parfois savoureux, mais qui ne sont, en somme, que des travestissements. L’erreur tient à une autre cause encore. Tandis que les générations nouvelles fai-saient leurs études, des artistes très indépen-dants, très réfléchis, comme Auguste Poils-telin et Carrière, moins sensibles à la couleur qu’à l’intensité sentimentale, poursuivaient, cPceuvre en oeuvré, un mode d’expression de plus en plus général, de plus en plus abstrait, et réduisaient la palette, si riche entre les mains de Véronèse ou de Rubens, à ses élé-mentS pour ainsi dire immatériels, les valeurs. En même temps que de la vieille peinture,