L’ART DÉCORATIF monde sensible, d’un monde où résidaient les idées de toutes les choses; les modèles de tous les êtres, où se trouvaient incluses les seules réalités. Nous eussions mal conçu ce domaine, attachés que nous sommes, pour la plupart, au mensonge des apparences. Aussi la représentation des apparences ne manque jamais de nous séduire. Une déco-ration franchement matérielle, basée sur l’imitation des images terrestres, je ne veux pas dire sèche et minutieuse, mais bien large, abondante, synthétique même, avec les partis pris de légèreté et de clarté indispensables à tout décor, voilà qui satisfait notre goût national. Voilà ce que nous ont donné les peintres galants du XVIIIe siècle, voilà ce que nous donnent encore deux ou trois artistes dépositaires de notre clair génie. LI& heureuse de M. Albert Besnard ne rappelle en rien les chastes retraites du Bois sacré. L’ceuvre est admirable cependant, d’une ordonnance noble et somptueuse, d’une opu-lente harmonie. Elle a paru au pavillon de e l’Union Centrale des Arts décoratifs e, lors de l’Exposition universelle de 1900, et nous l’avons reproduite en commentant son rêve et sa chaude sensualité. Fête des ver-millons, des orangés, des bleus aigus, des jaunes citron, fanfare de notes éclatantes, L’Ife heureuse prouve qu’il peut exister une peinture murale à côté de celle du divin Puvis. Sans doute les procédés de la fresque, les transpositions de tons, les teintes plates conviennent admirablement à la décoration d’une église, d’un institut, d’un Pan-E. PLANCHE PORTRAIT DU JEUNE PHILIPPE [tamil :s 90 théon. Mais, pour l’em-bellissement d’un lieu moins austère, d’une salle de fête dans un palais, d’un Opéra par exemple, l’autre manière s’impose, avec sa franchise de colo-ris, l’entrecroisement de ses touches, sa bigarrure de tapis d’Orient. Avant d’appartenir à Besnard, cette formule ne servit-elle pas à Rubens, à Vé-ronèse, Watteau, Frago-nard, au fougueux déco-rateur de la Galerie d’A-pollon, Eugène Delacroix. Une vaste composi-tion de M. Victor Prouvé fait pendant à Ille heu-reuse. D’un goût moins rare, d’une coloration as-surément moins subtile, elle est également claire, fleurie, vibrante, elle res-pire la meme allégresse. Au centre d’une clairière où, jaunes, roses, bleues, lilas, palpitent ks flammes du soleil, sous un chêne à l’ample feuillage, deux vieillards se sont assis. Ils regardent leur des-cendance, garçons et filles, brillants de vigueur et de