L’ART DÉCORATIF Maniaque, peintre et caricaturiste, Masure, Mu-rique, Pocheville, et surtout les pastels de M. Eu-gène Batlo, visions sincères, traduites avec fran-chise, révélant un robuste tempérament d’artiste. A. T. EXPOSITION DES ORIENTALISTES. – Le très vif attrait de l’Exposition des Orientalistes, dont le dévoué président, M. Léonce Bénédite, conser-vateur du Musée du Luxembourg, sait toujours rehausser l’intérêt, consistait cette année dans l’exposition des œuvres du malheureux Marius Perret, mort, il y a deux ans, à Java, où il était allé en mission. Toute la série des pastels et des aquarelles qu’il avait amassés clans ce der-nier voyage en Indo-Chine, au Cambodge, à Siam et dans les îles, et qui est parvenue en France après la nouvelle de sa mort, occupait une grande partie de la salle réservée à Perret, précieux héritage qui augmente encore la pro-fonde synipathie qu’éveillaient l’œuvre et l’ar-. tiste. Nul peintre, en eget, n’a jamais poussé plus loin les scrupules de conscience devant les pays ou les types qu’il peignait, et cette peinture si sincère, si révélatrice clans les spectacles étranges qu’elle nous rend, prend une valeur singulière-ment documentaire. L’Exposition des Orientalistes, logée plus lar-gement cette année clans sine région du Grand Palais ne manquait pas, d’ailleurs, d’autres sur-prises. On y pouvait priser le talent simple et robuste d’Émile Bernard, l’expression caracté-ristique qu’il donne, avec certaines maladresses de métier même, à ses types d’Égypte ou d’Es-pagne. M. Binet a envoyé des morceaux de tout premier ordre; la scène Autour d’un mourant et la Tête d’Arabe au grand chapeau sont des œuvres à la fois profondes et pittoresques. Il faut signaler encore, et trop rapidement, les dessins et les crayons de couleur, très fins, de Girardot, les études de Venise de Cottet, les nombreuses peintures, tableaux ou pochades, rapportées d’Espagne, d’Algérie ou d’Italie par M. Henry d’Estienne, qui a sérieusement utilisé sa bourse de voyage; les notes d’Asie-Mineure et. d’Espagne, de Lévy-Dhurmer, et les envois lumineux de MM. Lunois et Suréda. N’avons garde d’oublier les magnifiques gravures de Sulpis, puissamment colorées dans leur noir et blanc (surtout l’Apparition, d’après Gustave Mo-reau), et les spirituelles figurines de M. Pierre Delbet, qui se révèle artiste d’un tempérament très aigu. G. S. L’exposition de M. Félix Borchardt, à l’Art Nouveau Bing, nous met en présence d’un ta-lent de naturaliste et de coloriste assez copieux. La couleur, où l’on sent des influences diverses, et surtout celle des maitres impressionnistes, n’est pas toujours exempte de lourdeur dans sa richesse; niais on y perçoit un sentiment assez vif de la lumière, cette joie spéciale de mélanger de beaux tons qui fait le vrai peintre. Quelques portraits sont, à cet égard, d’une très belle ma-tière. Les dessins et les pastels ajoutent beau-coup à la figure de l’artiste, qui sait y varier ses ePfets. Nous ne voudrions pas laisser passer sans les mentionner ici quelques autres expositions : celle de M. Henri Havet, à la nouvelle galerie Susse, boulevard de la Madeleine, où apparaît le talent d’un sentimental et d’un coloriste, de plus en plus maitre de sa personnalité. Ces paysages de Suisse et des lacs italiens constituent de très intéressants morceaux, sans aucune redite. —Chez Burand-Ruel, M. Moreau-Nélaton a groupé une belle série de paysages très vibrants, dans leur douceur et leur calme, et de charmantes études d’enfants à la maison ; tout cela méritait d’être vu ainsi, de manière à montrer une œuvre d’ensemble. — A côté, les paysages de Sisley sont plus papillotants, plus étudiés pour la vie propre des éléments de la nature que pour leur accord et leur impression générale, comme chez M. Moreau-Nélaton. — Nous avons eu grand plaisir à voir à la Maison des Artistes, rue Royale, quelques peintures et dessins de M. van Rysselberghe ; ses eaux-fortes, ses études de nu et ses portraits au fusain (celui de M. Alexandre Charpentier, de M. André Gicle) présentaient un intérêt particulier. — A l’Art Nouveau Bing, les pastels et les peintures de Mlle Marie Bermond, où l’on sent également un souvenir de Carrière et de Besnard, affirment néanmoins un sens per-sonnel de la délicatesse de l’enveloppe, de la nuance et vies transparences d’épiderme. 86 ‘Exposmœv DES PASTELLISTES est toujours une des plus séduisantes de l’année, et il semble qu’il y ait une très juste corrélation entre son ouverture et l’apparition des premiers jours printaniers : dans la galerie de la rue de Sèze et sur nos avenues, même poussée de cou-leurs joyeuses et pleines, même tendresse et même éclat. Le pastel est la matière du prin-temps. Ce sont bien des figures printanières, en effet, que nous donne M. Aman-Jean, avec des tona-lités de fleurs vivaces et rares; et les études de M. Besnard ont une saveur de modelé, une ri-chesse de carnations, de verdures, d’étoffes, qui affirment la superbe maturité d’un talent sans cesse en rapport avec la nature vivante.