L’ART DÉCORATIF la pénombre les grands plans de ses figures avec une solidité minérale et statuaire que les fluides imprécisions de la couleur et le sub-terfuge résultant, sur la toile plane, de la suppression de la troisième dimension, ne semblaient pas permettre. Rodin peint en marbre et Carrière sculpte en ombre, et leur amitié est un peu celle de Carlyle et d’Emerson, Rodin plus lyrique, farouche, atteignant à la sy nt lyse par de furieux sur-saut; de et du génie, Carrière plus logique, plus condensé encore, plus grave et plus mystique. Carrière et Rodin Sont k Janus d’un même rêve. Il y a peu de temps qu’on commence à comprendre qu’Eugène Carrière est un homme inclassable. On voyait bien qu’il n’avait été influencé par aucun mouvertumt moderne, et que ce grand peint, ne cher-chait pas que la peinture, mais on hésitait. A présent, il faut bien dire qu’Eugène Car-rière est le plus isolé des artistes c’est une force de la pensée, c’est un intellectuel su-périeur, c’est un homme que la nature a doté du sens de l’interpénétration psycholo-gique, un poète et un voyant. Que ce der-nier mot, souvent prononcé au cours des réflexions présentes, ne donne pas le change on a vite fait, en entendant voyant, de com-prendre occultiste, et cela a été déjà dit de-vant ces récentes toiles de Carrière oh l’inex-primable apparaît, où la réalité seconde subsiste seule. Carrière n’est pas hante d’oc-cultisme. Il me disait un jour : «Je ne m’y suis guère intéressé. On m’en a parlé, j’ai mal compris ou alors c’est une banalité, car je vois le mystérieux partout. I, mys-térieux et le simple me semblent identiques. I -ne science qui quitte la vie habituelle pour aller chercher le mystère ? Mais je m’appa-rais il 1110i-mémo et: mystère à chaque mi-nute de tua vie… Tout dessin dessine un mystère. C’est dans la contemplation ingé-nue, sincère, patiente, de ce qui semble im-médiatement connaissable. que ce singulier génie a vu se refléter l’univers ainsi la monade léibnitzienne, à qui l’envisage, ré-sume le système mondial. Ses écrits, son dessin, la qualité de ses ombres translucides, irréelles, lueurs ressemblant plutôt à la phos-phorescence de la pensée qu’aux effets du crépuscule, tout cela révèle en Eugène Car-rière le métaphysicien né. Il est, sciemment ou non, d’accord avec tous les hommes es-ceptionnels pour qui le 111011de apprentie] n’a pas 11e autre chose, selon Id belle s – preSSioll de Mallarmé, 111112 r∎yaille db nos spectres Futurs ii, et qui ont eu la faculté de comprend, que tout est signes de Les ombres d’Eugène Carrière ne sont pas l’agonie d’une lumière naturelle, extérieure à ses toiles : ce sont les affleurements affaiblis d’une lumière intérieure aux etres qu’il sus-cite. Comme nous ne comprendrions pas Cette Rieur de l’au-delà que chacun de nous enferme en son âme sans hy soup,ionner toujours, il la précise sur des vi,12,e, ana-logues aux noires, juste assez pour que nous la reconnaissions. Carrière a peint des chefs-d’oeuvre. Mais ce qui nous retiendra le plus en lui — et ce beau recueil le montre — sera sans doute, dans une époque grisée du soleil de la joyeuse Vitalité impressionniste, et vibrante encore du romantisme, ce l’ait d’un peintre restituant, d’un seul coup et de lui seul, it son art, une intériorité ‘pli scmbluit 121,11.1, sans retour. 1111.1.1, MAI C1.111, NOUVELLES DEN »‘ ELLES VIENNOISES I ne se souvient des dentelles exposées par l’École des Arts décoratifs de Vienne, à l’Exposition universelleP Ces den-telles eurent le rare, l’extraordinaire privi-lège d’unir dans la même admiration les fervents de l’art et ses indifférents, les déli-cats et les rustres, les grandes dames et les paysannes, les jeunes et les vieux, ceux qui veulent qu’on avance et cens qui demandent qu’on ne bouge pas, et dans la caste des artistes et des écrivains d’art, ceux 1111i n’ad-mettent que la nature dans le dessin déco-ratif et ceux qui n’y tolèrent que des rythmes. Il n’y eut pas à l’Exposition de succès plus incontesté que celui-là, ni, je crois bien, de plus grand. L’auteur de ces dentelles fameuses, le professeur Hrdlicka, reparaît aujourd’hui devant le public européen et lui présente non plus une douzaine de pièces comme à l’Exposition, mais un recueil, un monceau de dessins de dentelles plus merveilleuses FIND ART DOC