son oeuvre qu’après une longue sous-jacence dans la conscience. Cette mo-dification, beaucoup d’ar-tistes l’ont éprouvée, certains volontairement, d’autres à leur insu. On commence par contem-pler le réel, et de l’i n-tensité méme de cette contemplation résulte la perception de la réalité seconde — la vraie. Le rayon X est un peu le symbole grossier de cette pénétration spiri-tuelle. Mais ce qui ca-ractérise singulièrement Carrière, c’est le mode de sa transition. En général, l’artiste lassé du réelet éprouvant le besoin d’autre chose ne manque pas d’opposer au réel la notion symétrique de l’idéal, rapport d’ail-leurs faux, mais qui se présente facilement, et il est vite enclin à chercher la réalité se-conde dans l’abstraction, peinture symbo-liste, décoration, allégorie, hiératisme. Or, il a suffi à Carrière de ses premiers sujets pour augmenter graduellement ses complexi-tés et pour s’élever de l’étude à l’interpréta-tion et du réalisme à la mysticité par une L’ART DÉCORATIF EUGENE CARRIÈRE LA COLITURIERE opération lente et infiniment patiente de son intelligence taciturne. Il a transposé son àme en gardant les mêmes thèmes et des harmonies pareilles. Il n’a cherché à expri-mer aucun sujet philosophique ou légen-daire, sauf, exceptionnellement, un Christ. Et tandis que la crise de l’idéalité emporte tous les artistes vers le désir de l’expression abstraite, il s’est attaché plus fortement aux intimités les plus humbles, il a renouvelé ses forces en touchant la terre avec plus d’amour. Et à cet amour, à cette énergie, les intimités ont répondu en montrant que d, trière leurs apparences il y a des significations secrètes, superposées, in-finies. Carrière en est ainsi venu à peindre des pen-sées. Au lieu de faire deviner les pensées sous les formes, il est arrivé à faire deviner les formes sous les pensées. Faire deviner : l’homme ne peut davantage. Il y a deux façons, pour l’esprit, de s’évader des apparences il peut planer sur les EUGÈNE CAIIRIERE L’ÉCOLIERE formes, les simplifier,