L’ART DÉCORATIF’ martyr chrétien lapidé par les infidèles, soit la flamme ardente de foi religieuse et pa-triotique de la grande pucelle guerrière. Et comme il sait que cette identification intense entre la réalité vivante et le rêve sera toute passagère et momentanée, il en fixe immédiatement l’image qui servira, a chaque séance, de point de repère et de do-cument concret et précis. La plupart de ses oeuvres se retrouvent ainsi, comme dans une sorte de recueil pré-liminaire de poses prises avec la nature. Pour la peinture, c’est : Éventail et poignard, Madeleine, les Lutteurs, dont la photogra-phie a été tranquillement portée au carreau directement sur la toile, Caïn et Abel, l’Abatage d’un taureau et la Décollation de saint Jean-Baptiste, etc. Pour la sculpture, c’est Ève, les Bacchantes, Jeanne d’Arc, les figures allégoriques de la Révolution; et cette série de documents pour le monument de Pasteur, pour lequel il dispose si pitto-resquement sous divers arrangements ingé-nieux une famille de jeunes et jolis bam-bins italiens dont la taille était plus à l’échelle du socle provisoire et qui jouent, avec une gentille mimique, inquiète et ex-pressive, la comédie farouche de la Diphtérie guettant un pauvre petit être au bras de sa mère atterrée, aux pieds d’un bonhomme gravement assis que couronne sa petite soeur, comme la Muse de Cherubini. Tout cela, c’est un coin caché de l’ate-lier d’un grand artiste, dévoilé en soulevant le rideau de l’intimité. Cela n’apprendra rien de nouveau sur son mérite et cela n’ajoute pas plus que cela ne retranche à sa gloire. Il m’a paru cependant qu’il pourrait être assez instructif de pénétrer jusque dans le secret de son travail. Et, pour terminer, je voudrais citer en-core une petite anecdote que me racontait un jour notre ami commun, Hector d’Es-pouy. Falguière était venu passer quelques jours chez Iah, dans sa petite ville de Cazères, dans la Haute-Garonne. C’était jour de foire, et torts deux étaient venus jouir de ce tableau vivant et familier. C’était le soir; ils se promenaient sur le pont. Le ciel était devenu menaçant. L’orage s’avan-çait avec rapidité, et subitement les paysans rassemblaient lustra bêtes, rattelaient leurs voitures, pressaient leurs gens pour gagner leurs fermes ou lustra villages avant la pluie. 54 Les animaux, pris d’inquiétude, meuglaient, hennissaient ou grognaient ; les paysans ju-raient et faisaient claquer leurs fouets, et tout ce monde affolé, hommes, chevaux, bœufs, porcs, moutons, se précipitait dans une débandade épique, pressé entre les pa-rapets du pont, se répandant sur toutes les routes, derrière tous les vallonnements. « Oh ! que c’est beau! que c’est beau! s’écriait Falguière. Quelle fuite On dirait une invasion. Tenez, regardez. C’est extraor-dinaire. Voyez comme c’est beau ! a Il ne voyait plus rien d’autre, n’entendait plus rien, tout entier à sa contemplation ardente et profonde. Tout à coup, comme cet ad-mirable et émouvant spectacle s’éloignait sous le ciel noir, il donna sur le sol un vi-goureux coup de canne et, comme se par-lant à lui-même : «Au diable toutes les his-toires et toutes les académies ! La voilà, la vie, la voilà! et voilà ce ciste que j’aurais dû faire ! 1_,P,ONCE 131:1,1:0171,. QUELQUES NOUVEAUX BIJOUX DE MM. LALIQUE, FEUILLATRE ET L. BOUCHER NOrne joie fut grande quand nous dé-couvrîmes la sympathie de Fantin-Latour pour Lalique. Après avoir délicate-ment vanté les paysages profonds de ce René Ménard qui nous est cher entre tous les peintres, le maître resté romantique (et qui n’est pas toujours tendre pour « l’art nouveau a) fit l’éloge le plus subtil de notre statuaire du bijou. C’était au Salon de l’année dernière, oit la vitrine opulente de René Lalique faisait pressentir, par la dis-crétion de ses tons pâles, ce perpétuel souci de renouvellement qui désigne aussitôt l’ar-tiste «qui mêle à l’or la pensée«. Ainsi Victor Hugo parlait fraternellement de Fm-ment-Meurice. Et le ciseleur, quand il est Froment-Meurice, est le frère du poète. S’il est Lalique, il devient la poésie même. Depuis sept ans bientôt, depuis le Salon de 1895, qui fut une révélation, jusqu’à la vitrine de 1900, qui fut une consécration, le bijou français, le bijou contemporain s’est métamorphosé par Lalique. Les derniers te-FIND ART DOC