MAI 1902 mains de ceux qui n’ont pas autre chose à montrer, mais qui ne sont jamais que des moyens, des expédients commodes et-sans conséquence pour de vrais artistes dont le but est ailleurs. Je veux parler, entre autres choses, des moulages sur nature. Falguière, assurément, s’en est servi non seulement comme renseignements, mais aussi peut-être comme emprunt direct. Aujour-d’hui, cette constatation nous touche peu et ne causerait plus aucun scandale. Qu’on se souvienne pourtant de tous les bruits aussi ridicules que fâcheux répandus sur plusieurs artistes en renom. Je ne rappellerai que le cas de l’Age de Rodin, ce chef-cRceuvre maintenant incontesté. Les bons camarades se plaisaient à répéter que cette sta-tue d’une si fière et hau-taine élégance était le produit de moulages di-rects sur nature. Rodin dut aller trouver ses prin-cipaux confrères pour les prier de l’aider à se défendre. C’est ainsi qu’il se lia avec Falguière et c’est pourquoi il ex-posa, l’annü suivante, le Saint Jean:Baptiste, un peu plus grand que na-ture, pour désarmer les esprits malins. o Il a fait là la réponse qu’il fallait faire », dit Falguière à cette occasion. Pour ce dernier, peu lui importait ce qu’on pouvait dire. N’était-il pas de l’Institut, depuis longtemps célèbre? Aussi allait-il au plus pressé et montrait-il qu’un ar-tiste peut ne dédaigner aucun moyen, mais doit s’élever au – dessus de tous. Parmi ses petits pro-cédés favoris, j’en ai signalé un qui est assez original et que nous faisons, ici , connaître plus en détail par nos gravures. Je veux parler de ces sortes de tableaux vivants que Falguière exécutait avec un ou plusieurs modèles et dont il conservait le souvenir exact au moyen de la photographie. Cette habitude remon-tait assez bain dans sa carrière, puisqu’il lui obéissait dès le Tarcisins. Il faisait prendre au modèle non seulement l’attitude et le geste du personnage voulu, mais avec cette merveilleuse faculté de méridional expressif et convaincant, il arrivait à lui insuffler sa pensée, sa volonté et son rêve à ce point qu’il éveillait tout à fait dans l’esprit du jeune modèle italien allongé sur la table ou dans les grands yeux de la belle fille debout, une épée en main, soit l’indicible mélange de souffrance et d’extase du pauvre petit 53 COMPOSITION VIVANTE POUR LE aMONLIIL 1 A PAS I FI_ I,