AVRIL 1902 LA SOCIÉTÉ NOUVELLE DE PEINTRES ET DE SCULPTEURS noue la troisième fois, les artistes groupés jr- sous la présidence de M. Gabriel Mourey ont exposé chez Georges Petit, et l’on peut dire avec assurance que c’est là une des expo-sitions les plus marquantes de l’année, une de celles qui imposent le plus une impression d’effort et de pensée. Tout, ou à peu près, serait à citer dans ce bel ensemble, depuis le vaillant maitre Constantin Meunier, — qui expose, à côté d’un sobre buste de plàtre du peintre Émile Claus, des aquarelles et un pastel du n Pays Noir des mines, dont il a si fortement exprimé dans son oeuvre la poignante poésie, — jusqu’aux notes délicates de M. Le Sidaner ou de M. Duhem. Nous sommes confus de ne pouvoir accorder ici que trop peu de lignes à une exposition de si haute importance. En effet, M. Aman-Jean, avec les figures souples et vibrantes de sa ré-cente manière; M. Baertsoen, avec des Chalands sous la neige et une série d’eaux-fortes ( Vieilles villes de Hollande ou de Belgiquel; M. Blanche, qui joint cette fois-ci de fines et fortes natures mortes à ses portraits; M. Brangtvyn, M. Claus, M. Douchez sont également représentés. Les plaquettes de M. Alexandre Charpentier ont toujours leur accent de vie noté d’une façon si personnelle; et M. Louis Dejean, nouveau venu dans la Société, a apporté ses dernières statuettes, où la femme d’aujourd’hui se trouve si finement esquissée dans ses gestes et ses al-lures. Les études de M. Ch. Cottet, surtout ses marines de nuit et de soir, sont d’une peinture toujours plus pleine et plus savoureuse, et son Marché aux cochons introduit dans son oeuvre une note très vive et très juste. M. Henri Martin, auprès de ses graves pay-sages du Lot, de ses vieilles maisons grises, qui évoquent toute une vie monotone et bornée, a envoyé trois figures de Muses, dessus de portes pour le cabinet de travail d’un professeur, qui sont parmi les oeuvres les plus rayonnantes, les plus inspirantes qu’il ait produites. Nos lecteurs, après l’article que nous publions en tète de cette livraison, comprendront mieux que jamais le profond caractère des paysages de M. René Ménard, où se dégage toujours si for-tement le sentiment de la nature éternelle. Les belles visions de couleurs de M. La Touche, les intérieurs de M. Pripet; les études bretonnes de M. Lucien Simon, avec leur accent habituel; les paysages souples et justes de Thaulosv, et deux beaux tableaux de Zuloaga complètent cette collection d’eeuvres. N’oublions pas un marbre de M. Rodin, qui suffit à représenter le puissant artiste. Et pourquoi ne pas avouer que notre sympa-4t thie va à de pareilles expositions, où l’on sent des groupements d’affinités? Et nous ne nous étonnerions pas si les Salons ne disparaissaient peu à peu devant ces groupes plus restreints. CHRONIQUE XPOSITIONS Dc mois. — L’Exposition des EAquarellistes, galerie Georges Petit, ne nous a pas montré de merveilles. MM. Bourgain, Boutignv, Clairin, Darneron, Detaille, Dubuffe, Adrien Moreau s’entêtent dans une manière sèche et puérile. M. Gaston La Touche seul semble posséder la libre allure, la décision, l’audace qui donnent à l’aquarelle sa gréer unique et prime-sautière. Comme les tons roux, sulfureux, vio-lets. les coulées de rubis, d’ambre et d’émeraude liquides se mêlent prestigieusement sous le pin-ceau de l’artiste, dans l’étude pour les Outrages, dans la tempère déchainée contre Notre-Dame de Paris! D’autres œuvres cependant ont des mérites les claires images enfantines de Geffroy, les paysages de Guignard, Jeanniot, Rossert, Loir-Luigi, Vignal, Zuber, Maurice Courant, les fabuleuses princesses de Guirand de Scevola, les illustrations de Rochegrosse pour Salammbô, d’une documentation pittoresque et précise, puis, parmi tant d’aquarelles, un fusain de [-hermine, mettant sa note impressionnante. Au Cercle Volney, des aquarelles encore, puis des pastels. J’y rencontre les fines bretonneries de Legout-Gérard, les portraits de Léandre, sé-duisants par le réalisme riant et l’aisance de la facture, le Versailles de M. Franc-l-amy, des vues algériennes de M. Rigolot, des chorégra-phies d’Abel Truchet, puis hcill, Giroust, Cadel, Devambez, Guinier, Nozal, deux chaudes figures de Gustave Chanaleilles, et, de Rodolphe Piguet, trois exquises impressions le Lac de Genève étalant sa nappe où le saphir se mêle à l’éme-raude, une vue de la Marne près Lagny, un coucher de soleil dans les îles de Quiquen-grogne, dont la couleur est des plus raffinées. Parmi les petites expositions les plus attachantes, je veux citer celle du peintre Jean Enders, ouverte galerie Allard, 17, rue Caumartin. J’y ai trouvé de fort belles toiles, graves, nobles, profondes, pleines de douceur et de solennité, j’y ai trouvé des aubes adorablement vaporeuses, des cou-chants au rayonnement splendide, la magie de soirs d’or et de nacre, la poésie de ces heures indistinctes où s’allument les premières étoiles, où s’éclairent les premières fenêtres des villages. Dans la sombre ardeur du crépuscule, au bord du fleuve obscurci, un homme s’en vient boire FIND ART DOC