L’ART DECORATIF PAUL SEC MEUBLE D’ANTICHAMBRE Tous ces objets qui finissent, à force de chercher le caractère artistique, par n’en avoir aucun, ont une signification. Ils sont les re-présentants d’un préjugé. Beaucoup d’hommes distingués, mais impuissants à secouer le joug de l’éducation, affirment que c’est seu-lement par l’étude du latin et du grec que nous pouvons nous élever aux cultures supé-rieures. Il existe de même une entente tacite, en -vertu de laquelle le don de policer notre oeil et les lobes du cerveau dont il est l’avant-garde n’appartiendrait qu’aux choses saupoudrées de miettes des beaux-arts. L’in-tellectualité d’un individu ne se mesurerait pas à l’intérêt qu’il prend à ce qui est la vie, à ce qui donne la vie, à ce qui sort de la vie : elle serait en raison de sa curiosité de certaines petites drôleries. 20 Ne nous laissons donc pas conter de ces bourdes-là! Oh peut être un homme intelligent, un esprit distingué, un grand esprit, et s’intéresser médiocrement aux choses de l’art: Et les choses de l’art ne méritent l’intérêt qu’autant qu’elles soient d’un art supérieur, c’est-à-dire qu’elles réunissent un ensemble de conditions que seules des organisations cérébrales très particulières, partant rares, peuvent infuser en elles. En d’autres termes, le véritable art est et res-tera l’exception. Les grands dis-coureurs qui nous demandent de passer notre vie à nous intéresser aux choses quelconques que Pierre ou Paul a grattées au ciseau sur les faces de n’importe quoi, les apôtres de l’art de commande, nous les reconnaissons, nous autres hommes de la génération qui s’en s’a, sous le faux nez de ,,connais-seurs ■■ dont ils se sont affublés. Petit garçon, je les voyais s’exta-sier sur le chalet découpé par le montagnard tyrolien dans de minces plaques de corne blanche et le noyau de cerise devenu boucle d’oreille sculptée sous le couteau de quelque prisonnier suisse. Ce sont les mêmes, il n’y a pas d’erreur ! Le bric-à-brac, la curiosité, la petite machine chipotée, toutes ces choses enfantines, cela peut être de l’art si Pori tient à leur donner ce nom, mais ce n’est pas la beauté ; et la passion de ces choses-là est la pire ennemie de la beauté. Le connaisseur, le collectionneur, le maniaque d’art donnent un exemple funeste à la niasse, qui prend ces hommes pour des autorités et croit de bon ton de marcher dans leurs bottes clopin-clopant. Au moment oit il serait le plus urgent de battre en brèche leur influence pernicieuse, il vient, au contraire, d’appa-raitre une publication pour la seconder une publication qui se donne pour tache d’en-seigner à tout le monde à devenir connais-seur et collectionneur, d’apprendre à dis-tinguer quelles vieilles loques viennent d’ici, et lesquelles viennent de là, à apprécier quel pot de chambre ancien a le plus de pris,