AVRIL 1902 qu’il a été fait ainsi et qu’il est ainsi; il est artistique parce qu’il est l’oeuvre de son au-teur, et non le produit de la collaboration de tout le monde. Toujours pour la même raison, cette oeuvre est sympathique à l’ex-trême ou parfaitement antipathique, suivant les analogies ou les oppositions du tempé-rament de qui la considère avec celui de l’auteur : il n’y a pas de milieu; et ceci est encore un criterium de la qualité é artis-tique », en prouvant la puissance de l’auteur à manifester par son œuvre sa manière propre de sentir. Un véritable artiste doit avoir des adversaires; l’approbation de tout le monde n’est acquise qu’aux rebàcheurs de lieux communs. Ce que j’aimerais faire ressortir de tout ceci, c’est notre folie de vouloir créer un état de choses dont le résultat serait de nous inonder d’objets d’art où l’art ne pourrait consister, quatre-vingt-dix-neuf fois sur cent, que dans la manipulation des recettes d’école ou des formules des créateurs par le premier venu : c’est-à-dire dans l’ennui. Il vous est arrivé d’assister à l’exécution d’un opéra composé par un de ces musiciens versés à fond dans leur métier, mais sans l’ombre d’une idée; vous avez baillé, maudit le contrepoint et la contrainte de ne pouvoir vous en aller; vous avez regretté le Trou-vère, ses accents brutaux, ses rengaines dont pas un élève de M. Théodore Dubois ne voudrait dans ses devoirs, et le génie éclatant dans chaque note; le Trou-vère insensé, absurde, et qui vous faisait passer des frémissements par tout le corps. Or, prenez garde. Vos écoles d’art décoratif, vos musées, vos déclamations sur l’art dans tout, c’est la é musique de kapellmeisterà universelle et obligatoire. Encore, avec la musique, a-t-on la ressource de rester chez soi ou d’aller faire un tour au Bois; avec la décoration, ce sont les travaux forcés à perpétuité. Tout le monde peut faire de la musique de kapellmeister » ; il ne faut pour cela que n’avoir rien d’autre à faire et passer quatre ou cinq ans en exercices de contrepoint. Mais le Trouvère ne peut etre fait que par Verdi, et chaque siècle ne met au monde qu’une demi-douzaine de Verdi. Les écoles d’art décoratif sont nécessaires; cependant il ne faut pas qu’on les prenne pour des cou-veuses artificielles de petits génies, et qu’on se figure qu’elles nous don-neront à tire-larigot des Verdi de la décoration. L’effet utile de ces écoles sera plutôt indirect que direct. Leurs produits ne pourraient être utilisés tous par la communauté, en tant qu’artistes, à beaucoup près; mais l’influence de l’enseignement qui s’y donne, dirigé dans une meilleure voie, contribuera filialement à faire ‘monter le niveau du sens de la beauté dans les masses par des chemins détournés. 1.. ,IALORELLE MEUBLE DE SALON 19