L’ART DÉCORATIF crayon sur un carnet, rapides, avec des chiffres échelonnant les principales valeurs, quelques touches franches de pastel, et voilà l’effet saisi- dans son acuité suprême, dans sa plus intense vibration. La notation de tant de minutes précises, l’artiste l’a trans-portée ensuite dans ses compositions. Les grands .paysages à la Poussin accroissent leur beauté générale de cette beauté particu-lière. Ils lui doivent leur charme, leur im-prévu, la vérUé de leur accent. Car M. René Ménard, à l’exemple des maures dont nous lui avons fait une escorte glorieuse, donne du l’univers les images les plus nobles, les plus grandioses, exprimant le mieux son ampleur. sa force et son éternité. Ces images sont souvent des synthèses. Elles rassem-blent des éléments rigoureusement observés et décrits, elles les condensent pour un maxi-mum d’impression. L’artiste établit ses plans, distribue ses masses, continue dans le ciel, par l’arabesque des nuées, les lignes essen-tielles-du sol, combine les silhouettes d’arbres et de collines, et, dans cette mise en oeuvre de données naturelles, obéit sans cesse aux lois de la nature. M. René Ménard a le respect des conditions climatériques, du eu-ractère des différents terrains, des essences, de la vérité locale. Ses effets lumineux, si raffinés qu’ils soient, ffiapparaissent jamais ni déconcertants, ni. forcés; -ils s’arrêtent toujours à cette limite du – vraisemblable franchie par Besnard dans quelques oeuvres singulières, par Rembrandt dans la Ronde de nuit, par Velasquez dans le Combat des lances où brillent, parait-il, deux soleils. Son dessin est large et physionomique, son clair-obscur merveilleusement subtil et nuancé; rien ne surpaSse, je crois, la richesse sourde et profonde, la limpidité, la délicatesse de ses tons. « Nous voilà loin des anciennes habitudes constaterait Fromentin, songeant à l’époque « où le bitume ruisselait à flots sur les palettes des peintres romantiques et passait pour être la couleur auxiliaire de L’Idéal, René Ménard l’a d’ailleurs servi avec une ferveur constante. Il lui a dédié une suite d’admirables paysages qui sont pour l’âme des asiles de rêve et de recueil-lement. Il lui a dédié de plus quelques por-traits dont je n’ai pas le loisir de parler, ligures d’André Chevrillon, de Lucien Si-mon, de Louis Ménard, graves, accoudées, pensives, apparues en des intérieurs de vie familière et stu-dieuse, livrant par le pli des lèvres, les rides, le regard, tout le mystère de leur intimité. René Ménard sait com-ment on interroge les êtres et la na-ture, au moyen de quel ardent magné-tisme on les force à crier leurs secrets. Il partage l’opinion d’Eugène Fromen-tin , que je me suis plu à citer au cours de cette étude trop brève : I; art de peindre , c’est l’art d’exprimer l’in-visible par le vi-sible.» 110111110■11 111 I 1 1 ALB., n’omis. FIND ART DOC,