L’ART DÉCORATIF frêne nous donnait des dessins d’orfèvrerie ornée avec sa distinction habituelle, M. Colonna nous envoyait ceux d’« articles de Birmingham », tels qu’un artiste du goût le plus sûr peut seul les tracer. Entre les pièces du service de M. Dufrêne, je crois qu’on préférera le sucrier, où la décoration fait corps avec l’objet plus intimement que dans les autres pièces. C’est aussi dans celle-là que le choix du galbe est le plus heureux. Dans le couvert que M. Dufrêne a joint au service, le profil est aussi tout à fait élégant; la mollesse que la courbe continue, ordinairement employée pour le plat, communique à la forme, est évitée adroitement, sans que ce profil en devienne le moins du monde anguleux. Le modelé décoratif aussi est on ne peut mieux compris. C’est surtout dans les ustensiles en métal que le galbe fait la beauté, bien plus que la décora-tion. La vogue des beaux ustensiles en cuivre de Benson témoigne que malgré le penchant du Français pour le fleuri, nous subissons l’empire JARDINIÈRE EN ARGENT PAR PHILIPPE WOLFERS de la pureté de la forme quand nous la rencon-trons; le malheur est qu’elle se rencontre rare-ment. Les pièces du service dessiné par M. Co-lonna sont admirables à cet égard. On y cri-tiquera peut-être le parti de l’anse retournée systématiquement par-dessus le vaisseau; je crois qu’il faut se méfier de l’habitude déroutée par ce parti, et ne porter le jugement qu’après essai, puisqu’il s’agit d’un point purement pratique. Laissant cette question de côté, le dessin montre des galbes d’une beauté magistrale : le mot n’est pas de trop. Les formes dans lesquelles, à la recherche du caractère, l’artiste garde pour prin-cipe les grandes lignes calmes comme celles-ci resteront toujours, je crois, les plus nobles. Un autre dessin de M. Colonna montre une coupe d’honneur qui surprend d’abord un peu par la forme des anses, qui sont en même temps les supports; disposition cependant très logique Photographie par autorisation de M. Aublanc. représentant de M. Wolfers pour la France dans un objet d’apparat et de grande dimension. L’ornementation de cette coupe est très person-nelle; elle rappelle les recherches ornementales faites par M. Colonna — circonstance, peu connue — à une époque déjà lointaine, où fort peu d’artistes s’occupaient des innovations qui les passionnent en grand nombre aujourd’hui. Aux dessins de M. Dufrêne et de M. Colonna, on a joint ici la reproduction d’une jardinière en argent de M. Philippe Wolfers, dont les bi-joux furent si remarqués au Salon de l’an der-nier. D’une forme originale et plaisante, cet objet sera d’un bel effet dans un salon ou sur une table couverte. On y retrouve la fougue d’ima-gination, au tour plutôt puissant que délicat de l’artiste bruxellois. M. Wolfers a fait plusieurs jardinières de ce genre, en diverses dimensions et avec diverses variantes. 256 G. M. JACQUES.