L’ART DÉCORATIF la dentelle a pu être suggérée par les toiles diaphanes des araignées, emprisonnant les gouttes de rosée, ou par les fins treillis de branches couvertes de neige, ainsi que nous en avions récemment le spectacle dans nos avenues, quelle source vive de création ne jaillira pas, aujourd’hui que nos regards se tournent plus complaisamment et plus stu-dieusement que jamais vers la nature, que nous cherchons à la saisir à toute,’ ses heures, dans toutes ses manifestations, dans les mouvements libres et familiers de la vie animale et végétale ? Bien des formes de la nature ne semblent-elles pas d’avance des-tinées à être traduites en dentelle; et les ailes des libellules, avec leurs réseaux transparents, les fleurs d’ombellifères ou les bulles de pis-senlits n’indiquent-elles pas d’elles-mêmes la place où le point sera noué? On le voit, comme tout art ayant ses JACQUES BILLE procédés très précis, ses moyens d’expression et d’interprétation fixes, la dentelle sollicite avec le plus vif intérêt les facultés d’adapta-tion qui sont le propre d’un cerveau de dé-corateur. Toutes les formes souples, légères, délicates de la nature se présentent à l’esprit, pressé de les faire revivre dans la matière presque impalpable de la dentelle. A nul moment de l’art on n’aurait pu sentir ainsi, pour ainsi dire, la vérité psychologique de la dentelle; jamais il n’y eut si désirable corrélation entre la parure mise en oeuvre et la femme qui s’en revêt. S’envelopper ainsi de volants floconneux, se vêtir de choses va-poreuses et inconsistantes, se faire une robe CARTON DE DENTELLE (MOUCHOIR) aussi irréelle que possible, un tourbillonne-ment de tulles nébuleux où de fragiles dessins se plient encore de façon aérienne, c’est bien ce qui convient à l’élégante de l’heure pré-sente; mais on ne saurait vraiment alourdir de rinceaux anciens le vol de ces atours, de même que les festons ajourés d’un store ou d’une nappe sollicitent des guirlandes plus librement enlacées, je veux dire étudiées dans un sens de composition moins conven-tionnel, quoique également savant. Soyons juste : on s’est imaginé renou-veler d’un seul coup la dentelle ancienne, et cela en la parsemant de paillettes étincelantes. La paillette, qui aurait pu devenir un agré-244