L’ART DÉCORATIF on comprend pourquoi ce poète mystérieux a été, autant que Zola et plus que les Goncourt, l’ami et le défenseur des impres-sionnistes. Aux écrivains de la nouvelle généra-, tion, Manet apparaît un peu dur, un peu brusque, un peu immédiàt, un peu trop peintre de morceaux, dépourvu de mystère et de charme, réaliste exces-sivement pour leur désir, étroitement uni à son temps et à ses amis litté-raires. Degas les effraye et les chagrine par sa vision ironiste, par son amère et impitoyable ana-lyse de satiriste. Monet les éblouit, mais peut-être commencent-ils à penser que sa magnificence est trop évidente, qu’on voit trop comment il recons-titue les mirages qu’il a saisis. C’est donc plutôt à M. Renoir qu’ils gar-deront une tendresse, parce qu’il est lyrique, parce qu’il voltige sur toutes choses, parce qu’il est multiforme et subtil. Il y a dans M. Renoir des morceaux aussi beaux que dans les autres. Quel-ques-uns de ses paysages, notamment la Sen-e, sont d’une couleur aussi belle, d’une facture aussi originale, d’une harmonie aussi riche que ceux de Claude Monet. Ses nus sont aussi magistralement peints que ceux de Manet, et plus amoureux N’atteignant pas à la science du dessin qu’on trouve en ceux de Degas, ils ont une gràce et un éclat que ceux-ci n’ont jamais connus. Si ses rares portraits d’hommes pàlissent devant les portraits de Degas et de, Manet, encore que le portrait de Claude Monet soit une très belle chose, ses effigies de femmes ont une distinction, un charme que Manet n’a guère égalés que dans celui d’Éva Gonzalès; encore le portrait de Jeanne Samary est-il d’une souplesse, d’un velouté, d’une féminité chatoyante et attendrie que A. RENOIR! côtés de cet inimitable esprit, aussi mal apprécié que lui-même. C’est, pour ceux qui ont connu et aimé l’auteur de l’Après-midi d’un faune, dont les nymphes sont « des Renoir », une vérité absolue que sa profonde filiation aux maitres les plus intimement français, que son goût passionné pour le XVII•Ie siècle, pour un panthéisme riant et ingénu, auprès des rêveries métaphysiques, des harmonies hégéliennes qui sollicitaient sa pensée d’esthéticien. Les Baigneuses de M. Renoir errent dans certains poèmes de Mallarmé, comme les danseuses de M. Degas aux rythmes de certaines de ses phrases, et à mesure que les prétendues obscurités de Mallarmé se dissolvent à la lumière d’une cri-tique impartiale, revenue des injustices d’antan, 228 BUSTE DE FEMME