L’ART DÉCORATIF de tout un aspect de la mondanité du second Empire. Il faut enfin en venir à des toiles qui révèlent un Renoir intimiste, comme la Femme endormie tenant un chat, comme le Premier pas, comme diverses études d’en-fants, comme la Terrasse, les deux pan-neaux de la Danse. La Femme endormie est une paysanne au tablier bleu, aux bas rayés s’enchâssant de sabots. Un grossier chapeau de paille ombrage sa tête vermeille, ses bras sont nus, sa gorge découverte se soulève puissamment. Elle dort avec une conviction naïve, et le chat pommelé qu’elle tient en son giron dort selon le même rythme. En cette oeuvre encore se décèlent toutes les qualités de sincérité de M. Renoir, et son réalisme poétisé qui est réel par le parfait naturel de l’attitude, poétique par la délicate transposi-tion des bleus, des roses, par la singularité des harmonies tendres. Ces bleus de camaïeu, nous les avons vus chez Boucher, chez Na-toire et chez Largillière, au Louvre, et chez Françoise Duparc dans les collections de Provence où séduisent les ravissants tableaux de cette artiste si mal connue. Ces roses, il ne nous manque que de les préciser « cuisse de nymphe émue » pour les reconnaître chez Fragonard. La Terrasse, une des plus jolies choses que M. Renoir ait peintes, est d’une harmonie plus littéralement impressionniste. Les deux enfants se dressent sur un paysage de banlieue parisienne, automnal, humide; à travers les branchages dépouillés du jardin, parmi les der-A RENOIR LA SOURCE 224 nières feuilles recroquevillées, s’entre-voit une rivière où glisse un canot. La plus jeune enfant n’est encore qu’un être inconscient; l’aînée la retient presque comme un jouet, sa rieuse figure aux yeux fatigués con-tient déjà toute la divination de la vie féminine, et l’harmonie cerise de son corsage et de son chapeau chante vivement dans la grisaille dorée de l’automne. Le Premier pas, exécuté dans la manière multicolore et papillottante à laquelle le maître est souvent re-venu, est sa toile maîtresse dans les études d’enfants. Il montre la jeune mère sérieuse et le bambin s’agitant au bout de ses bras, retroussé, avan-çant une jambe nue qui hésite ; toile charmante et fraîche, d’une coloration heureuse, d’un profond naturel, et qui prouve une fois de plus les qualités de réalisme poétisé de ce peintre ingénu, imbu de senti-ments primitifs, étranger à toute préoccupation décadente, à toute idéologie trop complexe. Les enfants peints admirablement par Eugène Carrière portent déjà le poids d’une pensée sQmbrement sociale ; leurs crânes transparents laissent déjà voir l’idée, le mécanisme du cer-veau en formation, et ces êtres qui cherchent à rêver vous ins-pirent autant de rêves que les faces FIND ART DOC