L’ART DÉCORATIF A. RENOIR l’aime pas, il ne cherche pas à l’embellir, il la regarde avec le sang-froid d’un physio-logiste. Manet l’aime, et lui découvre des élégances. M. Renoir la voit comme il voit toutes choses, poétiquement. Comparons par exemple l’esprit d’un tableau comme Cheî le Père Lathuile et celui du Moulin de la Galette. Le premier est tout psychologique. L’homme douteux qui incline sa tête à accroche-coeurs sur un col trop évasé pour enjôler d’un regard la grisette indécise, c’est le portrait vivant du Jupillon de Germinie Lacerteux. Cette tête restera comme un do-cument absolu sur le bellâtre de bas-étage tel qu’il fut sous le second Empire. Mais il est vrai, et non chargé. M. Degas en eût fait l’image même des vices et de l’effron-terie proxénétique en y synthétisant les traits de vingt alphonses. Dans le public du bal du Moulin de la Galette, il y a certainement des individus qui ne valent pas mieux, et des filles professionnelles, le lieu n’ayant jamais été plus innocent qu’il ne l’est aujour-220 LA SEINE A ARGENTEUIL d’hui. Mais M. Renoir, s’il a vu ce côté du sujet, ne l’a pas exprimé. Ses danseurs et ses danseuses sont vrais par l’attitude, mais leurs masques sont populaciers et joyeux sans déceler aucun sentiment d’amertume ou d’ironie chez l’artiste. Il n’est pas venu là en psychologue, en romancier, il y est venu en peintre. Et ce qu’il a vu, c’est l’ensemble de ce jardin où s’ébat la gaîté des dimanches de Paris, c’est le demi-jour troué par les flèches du soleil qui étincellent au milieu des feuillages et touchent les troncs d’arbres, les tables, les globes de porcelaine, les corps, le sol, les visages, c’est le grand tournoie-ment de cette foule bigarrée emportée dans le rythme des valses, c’est la couleur, le tapage, les rires, les cris, les chocs des verres, l’atmosphère chaleureuse, le poème de vitalité, d’allégresse et de jeunesse de ces êtres libérés pour un jour de l’atelier, des soucis, des maladies et des querelles, le poème que Gustave Charpentier devait sym-phoniser plus tard. Et la vision du peintre des FIND ART DOC