N° 42 MARS 1902 L’OEUVRE D’AUGUSTE RENOIR II ‘1″11 ln, des nudités et des figures isolées de L M. Renoir le démontre si préoccupé d’harmonies et de poétisation des types qu’il semble contradictoire d’attendre d’un tel peintre une description réaliste et psycholo-gique de la vie contemporaine. Et cependant il y a brillamment réussi dans une série de grandes toiles qui contiennent ses chefs-d’oeuvre. Et dans sa génération il est, avec Manet et Degas, le seul peintre qui ait abordé la composition et y ait fait preuve de qualités maîtresses, sachant élever l’anecdote au style. La Musique aux Tuileries, le Bal de l’Opéra, de Manet, le Foyer de la danse, de Degas, sont des modèles de composition vivante et intensément mouvementée dans de petites dimensions. Le Moulin de la Galette de M. Renoir ne le leur cède en rien.Il n’ap-partenait qu’à une nature aussi com-plexe de pou-voir à la fois s’isoler dans une pure rêve-rie de sym-phoniste de la couleur, et pé-nétrer aussi avant dans l’expression de la moderni-té sans se dis-loquer dans cet écart. Cette faculté est peut – être la cause de l’em-barras que la critique a sou-vent montré devantrœuvre de M. Renoir, comme elle l’avait montré devant celle de Manet, en n’arrivant pas à réunir le disciple de Goya et le peintre bleu et orangé de l’Argenteuil. La critique ne s’attache vraiment qu’aux hommes dont la direction est unique. Claude Monet, Degas, Pissarro ont progressé dans un seul sens, et on a ainsi établi sur eux des clichés commodes. Mais M. Renoir a découragé les appréciateurs par la variété de sa nature chercheuse, ils n’ont plus su où le prendre; nous avons vu le même cas pour M. Besnard dans la génération plus récente, et il faut se reporter à la confusion extrême de la critique d’art à l’époque déjà lointaine des temps héroïques de l’impressionnisme pour s’expliquer l’indécision des jugements. Un Degas, un Monet contiennent tout entiers leurs auteurs, mais un Renoir ne contient A, RENOIR 2 I JEUNE FILLE ENDORMIE 26