FÉVRIER 1902 CH. PLUMET ET TONY SELMERSHE1M notre sensualité, dans son expression la plus grossièrement simpliste, est encore mêlée de mille complexités psychologiques. Jamais l’oeuvre d’un peintre personnellement nerveux, et qui a décelé sa nervosité dans son amour des combinaisons de nuances rares, n’a été plus exempte des préoccupations modernes. Gauguin, qui résulte plus de M. Renoir qu’on ne le croirait, est allé jusqu’à Tahiti pour trouver une telle sensation de primitivité ; M. Renoir l’avait en lui-mente. Il a cri:e î la l’ennui: nue île Renoir” ; cette expression éveille une image définie. Et ce mélange. de japonisme, d’orientalisme, de sau-vagerie et de goût XVII I., siècle, si bizarre et si attachant, est bien à lui. C’est bien le résul-tat d’un esprit inquiet, avant tout préoccupé de fuir le convenu, le savoir-faire, la norme, et d’avoir avec la vie des rapports immédiats. Même dans la série de jeunes filles, l’artiste a trans-posé cette préoccupation d’un type autochtone. Ses jeunes filles d’aujourd’hui, qu’il aime coiffer de grands chapeaux débordants de fleurs, sont d’une grâce animale et florale. On y chercherait en- vain le mystère de la pensée. M. Renoir est un peintre de la joie, un assembleur de bouquets, un poète du duvet 189 COIN DE SALLE A MANGE et sin veloutement de la vie extérieure, un tner-veil leu? objectif épanoui, charmant jusque dans ses erreurs, et, revenons-y, l’un des tempéra-ments les plus français que l’art national ait constatés depuis trente ou quarante années. Il est incroyable qu’on s’en soit si peu aperçu, particulièrement datas ces dernières années où nous avons vu tant de gens clamer à l’égarement du goût français et le chercher partout en se bouchant les yeux pour ne pas l’apercevoir chez quelques maîtres authen-tiquement nationaux qu’ils désavouaient au profit d’académiciens sans race et sans saveur. Il y a de nombreux défauts en M. Renoir, mais il n » en a pas un qui ne soit issu de l’éternel contingent de nos défauts, qui sont, plus qu’en tout autre pays, l’envers de nos qualités. (Asuivre(. GOULU, IVIA,I.A111. Sans attendre la seconde partie de l’article de M. Camille Mauclair, qui paraitra dans le uméro suivant, nous exprimons ici nos remer-c niments à M. Durand-Ruel, à qui nous devons non-seulement l’autorisation de reproduire, mais les belles photographies des tableaux de Renoir au moyen desquelles nos reproductions sont gravées. La Direction. 23 FIND ART DOC