L’ART DÉCORATIF qu’aucun modèle, aucune rousse à peau diaphane. ne saurait offrir. Il la peint véri-tablement en poète. C’est pour lui r idéale et l’on songe aussi à certaines expressions de son ami Stéphane Mallarmé, nuageuses. vibrantes, évocatrices et dérobées à toute analyse. Rappelons-nous Le Phéno-ereeefeter: e Quelque folie originelle et naïve, une extase d’or, je ne sais quoi par elle nommé sa chevelure, se ploie avec la gràce des étoffes autour d’un visage qu’éclaire la nudité sanglante de ses lèvres. Et ses iras. pareils aux pierres rares, ne valent pas le sourire qui sort de sa chair heureuse…’ Le nu de M. Renoir est là tout entier. Comme le nu académique. il n’a ni âge, ni date, ni origine, mais il no vient pas d’Académia, il vient d’un pays de vine farouche et primitif. La femme nue conçue par M. Renoir, c’est une créature purement animale. Qu’il la dresse sur des eaux écumeuses ou sur des feuillages, toujours elle y apparaît comme un surnaturel fruit de chair épanoui dans une nature infiniment païenne et ingénue. Elle est rose et blanche aussi naïvement et aussi fraîchement que le dedans d’une pas-tèque. Ce n’est pas une Ève dans l’Éden, c’est une sauvagesse dans la brousse par-fumée. Celle-là n’a jamais connu de vêtement. Sa forme est souvent défectueuse au gré de notre vision d’Européens esthétisants, édu-qués par les musées et les livrés, imprégnés malgré tout de la beauté canonique. Elle a des seins abondants, de grasses épaules, un ventre impudique, et toute sa chair est un hymne à la paresse. C’est un animal buvant le soleil et la fraicheur avec une nonchalance barbare, sans attitude voulue, sans autre charme que celui de sa peau de fleur qui réfléchit la lumière. Et tandis que la plupart des nudités académiques, soigneusement pré-sentées sur fond sombre, semblent faites d’une baudruche éclairée à l’intérieur, on sent bien que celles de M. Renoir sont des vo-lumes de chair dont l’irradiation vient du plein-air ambiant ; elles ont la consistance des Rubens et leur luxuriance charnelle inquiétant rceil pudibond. Nous ne ren-controns pas de telles créatures, noème en Flandre, noème parmi les campagnardes les plus vigoureuses. Il faudrait aller aux co-lonies, dans les i/es primitives, pour en trouver les modèles mais non, le peintre seul les connaît, et il y a en lui un coin de 188 L. neve oriental, versicolore, grassement vo-luptueux, et exempt de la nervosité moderne. Ces coulées de chair ingénues et fas-tueuses, il les a rêvées niais non vues. Et il end-tasse sur ces rondes épaules, sur des cous plutôt courts, des têtes d’un galbe singulier. Leurs crànes exigus sont modelés étroitement par les chevelures retombant en nappes. Leurs veux sont largement fendus, et dardent des regards où jamais une pensée ne s’arrêta, des yen, d’amilopes indolents et doux. Leurs bouches •, nudités sanglantes « , sont fortes, arec res pareilles, du même dessin et de la mcme grosseur. Leurs ne, sont nu peut>_ peu saillants du front et épatés des narines qui aspirent la brise. Et tome Ise lace est courte et camuse. L’obsession de ce type est flagrante datas tome la pein-ture de M. Renoir. Rops aussi a aimé donner des petites têtes camuses à ses grandes femmes félines, mais dans une intention déterminée, pour bien accentuer leur caractère de luxure violente dans les mâchoires prêtes à mordre, dans la canaillerie impudente du nez et dans l’acuité des yeux durs brillant au sein de cernures profondes : la camuse de Rops, c’est presque la Camarde, et souvent, la &char-nant tout à fait, il a planté la tete de mort sur la stature de la courtisane. Mais M. Re-noir écarte ces lugubres idées. Son type de femme, salis aucune cérébralité, n’invite pas le regard à se détourner de la chair trou-blante des seins ou du ventre pour chercher une pensée dans le visage: l’animal heureux a bien la tète qui lui sied, des joues et une bouche de fruit, des yeux inconscients, les signes de la brute douce, éclose clans une nature tropicale où la pudeur est aussi inconnue que le vice, où la satisfaction est absolue. Et c’est à cette désarmante ingénuité que la femme nue de M. Renoir doit ne pas sembler obscène en s’étalant avec un sourire dans sa blanche blondeur. Elle aurait le visage et le corps d’une fille libidineuse s’il se glissait dans son masque reposé le plus petit trait analogue à ceux que les soucis de la vie européenne ont créés à la femme de notre race mais cet être est si loin de nous et des formes habituelles de nos désirs, qu’il ne s’encanaille pas. Il n’y a aucun rapport Moral entre lui et nous, nous ne pouvons pas le regarder avec lubricité, et par consé-quent il ne nous rend pas une impression que nous ne lui avons pas juxtaposée, car FIND ART DOC