L’ART DÉCORATIF sa nature est trop capricieuse pour se disci-pliner avec une seule technique. Tel paysage, Route de Louveciennes, se ressouvient de Corot, et telle Ferme évoque Antan Mauve avec un coloris impressionniste. La Femme au col cassé s’apparente à Manet, tandis que le portrait de Sisley pousse jusqu’au poin-tillisme, que les néo-impressionnistes érige-ront en système bien plus tard, le souci de la vi bratilité des touches sur cette figure ner-veuse. La Pensée évoque la façon de certaines esquisses anglaises, notamment de Hoppner, en y mêlant librement les hachures. Mais dans toute cette vivace étude des techniques, à laquelle M. Renoir s’adonne avec une verve et une volonté surprenantes, toujours reparais l’invincible instinct français. La Jeune fille au panier est un Greuze peint par un im-pressionniste. La délicieuse Jeune fille à la promenade s’affilie un peu à Gainsborough, niais essentiellement à Fragonard, par la m, nière et le sentiment. La Loge, ce chef-d’oeuvre qui, à l’Exposition de 1900, était la merveille des salles impressionnistes, con-dense toute l’élégance française d’il y a vingt-cinq ans. Dans le Déjeuner des Canotiers, dans la scène de bal du Moulin de la Galette, la psychologie des types parisiens égale les plus saisissantes trouvailles expressives de Manet. La Balançoire est aussi proche des jolies choses du XVIII. siècle que les .Fêtes Galantes de Verlaine, dont M. Renoir eut peut-être fait une délicieuse illustration. Il y a, en plus, comme clans Verlaine, le ragoût du modernisme interprétant un siècle disparu. mais la filiation est indéniable. Devant de telles œuvres, comme devant le portrait de Jeanne S’ammy en robe de bal, tout homme sensitif qui aimera et comprendra le carac-tère inimitable des moeurs, du goût et de l’art de notre pays ne pourra se défendre d’une sensation singulièrement captivante, celle d’eue chez lui, de-vant l’oeuvre d’un peintre A. REVOIR 18o FLEURS de sa race et de son sang. Et la troisième ma-nière de M. Renoir lui est tout à fait person-nelle. Il y expose un coloris particulier et y mêle ses deux autres fac-tures. Il y concilie ses hachures de tons dissociés, et ses premières préfé-rences pour la peinture art couteau à palette. Il y recherche des harmonies presque discordantes. Il joue des dissonnances avec une subtilité versa-tile. Il réalise d’étonnantes ••impressions fausses, Il affectionne les couleurs craintes par les autres peintres, semble prendre pour thèmes les tapis du Turkestan, et, abandon-nant à la fois la stylisa-tion et le réalisme, il conçoit la peintuœ comme une symphonie de tona-lités rares. Des fleurs, des têtes de jeunes filles, lui sont des prétextes suffisants. Il s’amuse à