FÉVRIER 1902 d’œuvre et par la gràce toute française de son ensemble éclos comme un bouquet de couleurs vives à l’issue d’un siècle sombre, hanté du tragique avec Delacroix, de l’occul-tisme et de la légende mythique avec Moreau, du réalisme âpre avec Courbet, sarcastique avec Daumier, humble avec Millet, du réve mélancolique avec Ricard et Corot, par toutes ces qualités l’impressionnisme a mérité notre reconnaissante admiration, l’honneur de nos musées, le salut déférent de l’histoire et de l’esthétique. Ses défauts ont été presque tous l’effet des circonstances, mais ils ont été outranciers, jamais mesquins. Et ses qualités se sont référées au sens intime de la peinture, à la véritable tradition de la France. On a déjà étudié ce groupe de novateurs. On a défini sagacement les différences de leurs génies. On a montré en Manet le suc-cédané de Goya et de Hals se transformant graduellentent en ana-lyste de la lumière et devenant subtil tout en restant franc, large et robuste. On a remar-qué l’ironique démenti donné aux attaques des fades imitateurs d’I ogres par Degas, dont le dessin se prouve, à l’autre bout du siècle, aussi savant et aussi vrai que celui d’Ingres, en y joignant la ner-vosité moderne. On a démontré à quel point le génie paysagiste de Claude Munch s’évadait du réalisme, combien cette recherche infini-ment subtile des atomes lumineux touchait à la poésie panthéistique. On a défini la dou-ceur peu réaliste des scènes rustiques de Camille Pissarro, déli-catement vraies et atten-dries, proches de l’in-timisme de Millet. On a précisé en Sisley son sens si personnel des ciels de France. Il a. RENOIR semble, par contre — et c’est l’encouragement de l’auteur à écrire cette étude — qu’on ait moins nettement envisagé la personnalité considérable de M. Auguste Renoir; envers lui les nombreux témoignages d’admiration s’accompagnèrent de moins de clairvoyance. Il est, en effet, dans toutes les manifestations de son capricieux génie, rebelle à toute défi-nition rapide, et fournit à lui seul la preuve d’une idée sur laquelle on commence seu-lement à s’arréter, celle que l’impression-nisme, tant bafoué par des académiques indignés qui prétendaient défendre la tra-dition d’art nationale, est, au contraire, une réaction vers cette tradition, une réaction qui n’a paru ctre une innovation que par l’ironie des circonstances, un retour direct à la vraie filiation française de Foucquet, de Clouet, de Chardin, de Watteau, de Fra-17D AU BORD DE LA MER FIND ART DOC