L’ART DÉCORATIF des rues populeuses, l’atmosphère factice des théâtres, des cafés, des music-halls. Son dessin peut sembler sommaire ; ses taches de couleur, fluides, d’un joli lustre, forment des ensembles subtilement harmonieux. — M. Nozal se montre épris tour à tour de la Normandie, de la Bre-tagne, des Pyrénées, des Alpes et des aspects de la banlieue. Il peint avec autant d’enthousiasme l’automne à Ville-d’Avray, le crépuscule sur la Seine à Pont-de-l’Arche, le clair de lune bleuis-sant Saint-Malo ou les environs d’Albi, la féerie nocturne des glaciers. Vision nette, touche francise, large, rapide, il recherche les effets imprévus et brillants, il les exagère parfois dans un sens curieusement décoratif. Chez Hessèle, l’éditeur de la rue Laffitte, une collection d’eaux-fortes d’artistes allemands des plus originales montra les relations actuelles entre le mouvement littéraire et l’art qui s’af-franchit de la formule au delà du Ricin, si mai représenté, d’ailleurs, en tfioo Feuilletons de vastes cartons, après avoir regardé les cadres, et cataloguons rapidement cette floraison cu-rieuse: — D’E. Anner (Suisse(, des lithographies et des eaux-fortes, des paysages et des figures; des effets suaves d’atmosphère. — De Greiner (Allemagne), des figures, des portraits fouillés, lithos et eaux-fortes. — De Jettmar (Autriche), des cuivres extraordinaires: l’eau-forte hoffman-nesque très 183o; des souvenirs de Félicien Rops et de ses sensuelles sirènes ; le Lac en Montagne est une planche hors ligne. — Max Klinger (Allemagne) est l’artiste trop littéraire, qui veut illustrer la musique de Brahms avec des souve-nirs de Michel-Ange et d’Albert Dürer: une Nuit de Walpurgis; des séries sur la Vie et la Mort; des hallucinations sur le siècle prochain; trop de fantaisie, malgré la maestria d’un beau pay-sage. — De Mue K. Kollwitz (Allemagne), lithos et eaux-fortes: la Révolte des paysans; la vie des Tisserands d’Hauptmann;une Carmagnole moyen-âge, avec masures à la Buhot. — Fritz Overbeck (Allemagne), nous évoque un Barbizon germa-nique: eaux-fortes et grands paysages. — Paczka (née Wagner) est une Allemande mariée à un Hongrois: lithographies tirées en rouge sanguine et figures d’école. — La Suisse présente encore Stauffer-Bern, mort très jeune: remar-quables portraits: eaux-fortes et pointes-sèches. — De H. Vogeler (Allemagne), des eaux-fortes: compositions allégoriques, rappelant Burne-Jones et Fernand Knoppf; légendes, contes allemands, et, parfois, sentimentalités rustiques, réalistes. —A. Weite (Suisse), s’adonne exclusivement au fantastique, tandis que l’Allemand H. Wolff cul-tive tous les procédés, eau-forte, aquatinte, pointe. sèche, vernis mou, pour traduire des physiono-mies véridiques. — Tous virtuoses, aimant l’al-chimie de l’art et partagés entre ces deux inspi-rations tout allemandes: le songe ou le foyer. R. B. Rue Laffitte, également, dans la vieille rue chère aux amateurs, s’est ouverte. chez Tem-plaere, une magistrale exposition des dessins originaux de Fantin-Latour, racontant l’admi-rable exemple d’une vie d’artiste depuis les études d’atelier, déjà si poétiques dans leur vé-rité, jusqu’aux imaginations les plus mélodieuses d’un maitre qui s’inspire du bonheur intime ou de la romantique musique des Berlioz et des Wagner, des Schumann et des Brahms. Fantin-Latour est un magicien de qui les évocations survivront, alors que la mode légère aura fait son temps… Témoin ces dessins-là, joie des musées futurs. R. B. A l’art moderne, rue Tronchet, 18, une expo-sition abondante et bien composée de bijoux nouveaux a duré tout décembre: d’originales montures de cannas et d’ombrelles, par M. de Martilly, un fort beau peigne, entre autres choses, de M. P. E. Mangeant, quelques jolis et robustes travaux (broches, ceintures, boucles) de W. Holbach, et toute une collection de bagues, d’épingles et autres charmants bibelots de ces trois artistes et de M. Ch. Boutes de Monvel, dont l’ceuvre est si abondante et si per-sonnelle. Dans tout cela, un peu beaucoup d’ex-centricité, trop de symbolisme, quelques fautes de goût même, mais aussi de charmantes, de délicieuses trouvailles et une dépense d’imagi-nation et d’originalité, d’habileté, de talent qu’on ne peut méconnaitre. E. S. L’exposition d’étrennes d’art de la Plume (31, rue Bonaparte) était habilement composée, avec des cadeaux de nabab et de simples présents d’amitié, discrètement luxueux et accessibles aux budgets modestes. Une belle collection de bijoux, de M. G. Faiguières, de M. Léon Rafle, de M »‘ Holbach, de M. Jacquin; des cuirs aux patines curieuses de Clément Mère ; d’autres cuirs, bu-vards, coffrets, porte-cartes, de Mlf° Rouzaud, de M. Alexandre Charpentier, de Mue Thaulow; plusieurs œuvres remarquables du statuaire Gau-dissard, dont un bas-relief en pète de verre très réussi, — des orfèvreries de Maurice Giot, des émaux de Feuillâtre, des statuettes de Valigren, de Laporte-Blairsy, de Pierre Borine, de M. Dejean — ces dernières interprétées en grès par le céramiste Methey, — enfin, tout un lot de charmantes merveilles pour tous les idéals, pour tous les goûts et… pour toutes les bourses. Le public a goûté beaucoup cette petite exposition. E. S. 170