JANVIER 1902 CHRONIQUE EXPOSITIONS DU MOIS. – La Société moderne des Beaux-Arts a donné, le mois dernier, chez Georges Petit, sa deuxième exposi-tion. Je voudrais disposer ici de plus de place pour dire les mérites de ses membres et l’ac-tivité, la vaillance, le goût avisé de M. Henri Frantz, notre confrère et son président. Mal-heureusement, je dois me contenter de quelques phrases rapides. M. Francis Auburtin est un des maitres de la réunion. Son talent de décora-teur robuste et volontaire lui a valu de chaudes sympathies. Il nous montre des paysages médi-terranéens aux nobles lignes, puis, devant une mer de fine turquoise, il évoque des nudités souples, nerveuses, charmantes, nouant et dé-nouant leurs rondes, affrontant la vague, mêlant un peu hardiment peut-être à l’eurythmie antique certains déhanchements imprévus des danses modernes. Ses harmonies sont claires, franches et sonores; ses corps féminins très vivants dans leur synthèse, d’un modelé sommaire, mais ex-trêmement juste et sensible. M. Victor Prouvé, si fertile, curieux de techniques si diverses, sculpte une expressive figure d’ouvrier pour une Maison du Peuple et, dans une peinture à ITeufa, symbolise toutes les joies familiales avec un enfant aux bras de deux femmes penchées. M. P. Bracquemond recherche les formes grasses et molles, les coloris soyeux à la Renoir; Ca-mille Bourget lave de brillantes aquarelles sous l’inspiration de Latouche. Les figures de Milcen-deau sont esquissées dans un sentiment très pro-fond; les danseuses espagnoles, croquées par Osterlind, ont ale la verve, une grâce coquette et tournoyante; les mineurs de Détroy et de Besson, du caractère. Je dois louer les petites femmes précieusement dessinées par MM. Bony et Mo-nod; les Baigneuses a que dresse M. Rouault dans la solennité du crépuscule; puis les vergers de M. Wilfrid de Glehn, écroulement ale florai-sons roses; les marines ale M. Chevalier, vastes, graves, poétiques; les aspects de Paris où s’af-firment la vision nette, la facture originale de M. Houbron; une «brume d’hiver» de Langlois; des sites délicatement vaporeux de Vaidmann, enfin les vues de Belgique de Willaert, douce-ment recueillies, enveloppées de gris suaves, ca-ressées de lumières subtiles. Je note encore les sculptures de M. Spicer-Simson, modelées avec intelligence et vigueur, les dessins mystiques de M. Knopff, les porcelaines et les grès de Le Chatelier, les émaux de Feuillâtre qui joignent l’agrément de la forme à la richesse délicate des matières, et je souhaite à la Société moderne une longue suite d’expositions semblables, en félici-tant notre camarade Henri Frantz bien cordiale-ment. A. T. La Société internationale, fondée depuis long-temps, naguère brillante, est aujourd’hui sur son déclin. On y rencontre sans doute des artistes extrèmernent habiles, mais seulement habiles pour la plupart qui pastichent les maitres et criaient atteindre au style par des synthèses excessives, des colorations vieillies, par une façon de peindre volontairement lâche, nonchalante et hautaine. Leurs oeuvres sont presque toujours superficielles, décousues, sans rien de sensible ni de profond. Les figures de M. Whistler elles-menus, ordinairement crame expression si con-centrée, paraissent cette fois insignifiantes. Les aspects vénitiens de Morrice, les vues de Paris et l’intérieur de M. Frieseke manquent trop de modelé. Malgré la hâte de la facture, les images féminines surprises par M. Humphreys Johnston, dans leurs attitudes langoureuses ou coquettes, prouvent un coloriste riche et sombre, un esprit vraiment ému de la grâce charnelle, de la beauté vivante. Je note les scènes familiales de M. Lorimer et leur délicate intimité, les innom-brables « Venise dues à MM. Smith, Saint-Germier, Allègre et Bornpard, les aquarelles hol-landaises de Bartlett, franches, robustes, pleines de caractère, les exquises bretonneries ale Le Goût-Gérard, la chaude pastorale ale Rea, les paysages de Laurent-Desrousseaux et Dagnaux, les maisons de Pierre Prins qui chante comme Le Sidaner la poésie de choses muettes, un dé-licieux brouillard de Jean-Jacques Rousseau, les toiles de M.° Delasalle, tantôt charmantes, tantôt vigoureuses, révélant une exceptionnelle nature d’artiste. Je signale encore le Torrent de Paul Chabas, d’un joli sentiment de lumière, le double portrait de M. Lauth, fort distingué d’agen-cement et d’enveloppe, les visions espagnoles de M. Réalier-Dumas, les sculptures spirituelles de Bernstamm, un groupe où M. Jacquet symbolise l’émoi des premières tendresses et j’en arrive aux envois de M, Lehnbach. Ils ne sont pas indignes ale l’illust?e portraitiste allemand. L’es-quisse d’après le ministre Miguel peut sembler raide et grimaçante, mais la dame en noir a grande allure, en dépit de son turban et de sa pose à la Corinne iy et l’effigie ale M. Ignacio Dollinger est admirable de composition. de réalisme sévère, de pénétration psychologique. La Société internationale doit à Lehnbach l’éclat d’un suprême rayon. A. T. Galerie ales artistes modernes, rue Caumartin, MM. Abel Truchet et Alexandre Nozal ont exposé concurremment, le premier ses impres-sions parisiennes, le second les paysages les plus variés. — M. Truchet observe d’un œil aigu la vie grouillante des boulevards, le mouvement des fêtes foraines ; il exprime d’une brosse alerte et fine les vibrations de la lumière au travers 169 FIND ART DOC