L’ART DÉCORATIF ciels. Rien n’échappe à ce grand gaillard nerveux, d’une élégance un peu féline, qui vous épie avec un sourire sous sa mous-tache rousse et troussée. Son oeil railleur, méfiant, aigu, son geste preste saisissent et fixent les secrets de la vie. I,a vie’ En parlant de M. Théodore-Rivière, ce nier est bien souvent revenu sous ma plume. Il le définit et le résume tout entier. Malgré la précision radinée de la forme, la justesse de la couleur, l’artiste n’est pas un simple virtuose ; la sève et l’impétuosité du sang gonflent presque toujours les contours arrêtés de ses statuettes, comme elles dis-tendent parfois le cadre des poèmes parnas-siens, emplissent d’une large palpitation quelques sonnets de Hérédia. La vie que célèbre M. Théodore-Rivière, c’est la vie saine, instinctive, lumineuse, éprise de mouve-ments, de batailles et d’étreintes, la vie ar-dente du Midi. Si j’ai peint le sculpteur sensible et inystérieux de la Finlande, Villé Vallgren, escorté d’une théorie de figures frêles, mélancoliques, éperdument sanglo-tantes , menant le chœur de l’inquiétude et des tristes songes, je dois évoquer autour de M. Théodore – Rivière cette foule d’images féminines, si fortes et si charmantes, si riches chaleur sensuelle et d’énergie nerveuse, qui, nues ou parées de voiles barbares , sous l’éclat des bracelets, des colliers, des pierreries, personnifient la joie et la beauté de vivre Messaline « brisée mais non rassasiée » , fières Carthaginoises, Tuni-siennes , Javanaises courtisanes d’Alexan-drie en attente d’amour au pied du Mur céra-mique », enfin Salamm-hi>, vierge troublante, concentrant dans la merveille de son corps tous les prestiges, tous les aromates de l’Orient, fleurant ,■ le miel, le poivre , l’encens , les roses et une autre odeur encore » , cette odeur de chair moite et palpi-tante, cette odeur même de la vie dont l’oeuvre du sculpteur méridional se trouve à jamais em-baumé ! PRINCE POJIDAR EARAGEORGEVITCH 138 ALBERT THOMAS.