L’ART DÉCORATIF d’être et sa première beauté. Pour l’amateur et pour l’artiste, pour tout esprit curieux de formes vivantes ce sera toujours une joie de contempler ces statuettes, si délicates et si robustes, si précises et si franches à la fois, dans leur discrète polychromie. Je viens d’employer le terme de poly-chromie. La chose constitue l’une des origi-nalités de M. Théodore-Rivière. Elle est fort ancienne cependant. Les Égyptiens peignaient leurs figurines avec du minium; les Perses les agrémentaient de métaux et de gemmes; les Grecs, qu’on nous donne faussement pour les fervents d’un idéal abstrait et sans couleur, les Grecs réalisèrent la statuaire chryséléphan-tine. Comme les tons de jaune, de vert et de rouge, étendus sur la façade de leurs temples, complétaient l’harmonie joyeuse du paysage, DANSEUSE JAVANAISE Tor et l’ivoire de leurs statues seyaient à la richesse des sanctuaires. Phidias tailla de gigantesql1CS figures polychromes, entre autres le Agio, olympien et la Minerve du Par-thénon. Il ne reste :rut de ces chefs-d’œuvre. Mais, d’après les écrivains et les poètes, Taine a fait de la Minerve cette description magnifique « A ce moment les portes du Parthénon pouvaient s’ouvrir et montrer, parmi les offrandes, vases, couronnes, ar-mures, carquois, masques d’argent, la colos-sale effigie, la protectrice, la vierge, la victo-rieuse, debout, immobile, sa lance appuyée sur son épaule, son bouclier debout à son côté, tenant dans la main droite une Victoire d’or et d’ivoire, l’égide d’or sur sa poitrine, un étroit casque d’or sur là tête, en grande robe d’or de diverses teintes, son visage, ses pieds, ses mains, ses bras se détachant sur la splendeur des armes et des vétements avec la blancheur chaude et vivante de l’ivoire, ses yeux clairs de pierre précieuse luisant d’un éclat fixe dans le demi-jour de la cella peinte. s Les potiers de Tanagra maquillèrent délicieusement leurs statuettes, images sen-sibles, alertes et familières d’où Paine antique s’exhale encore. Au moyen âge les saints et les saintes en leurs niches, somptueusement enluminés, achevèrent la diaprure intérieure des églises. Ensuite ce fut le règne de la matière mo-nochrome, l’abdication de la couleur devant la ligne, une convention qui permit sans doute l’exaltation exclusive de la plastique, l’éclosion d’oeuvres infiniment sobres et pures, dans la candeur de la pierre, dans la sévère tonalité du bronze. On connaissait oral l’an-tiquité, on se persuada que son culte exigeait impérieusement cette contrainte. Ignorant « Fanagra, on tourna les yeux vers Paros, vers les sommets du Pentélique, et les plus belles statues jaillirent du marbre comme des lys orgueilleux et froids. Après avoir créé les divines figures de Racine : Phèdre, Andro-maque, Iphigénie, Bérénice, puis les fades et mornes héroïnes tragiques du XVIIP siècle et du premier Empire, le Classicisme fut banni des lettres par le Romantisme. A l’égard de la matière au moins, il tyrannise encore la sculpture. Pourtant les découvertes des archéologues, la révélation de toute une architecture, de toute une statuaire grecques, unissant la couleur et la forme, ont suscité quelques partisans à la polychromie. 34