L’ART DÉCORATIF pêche nullement M. Selmersheim de faire l’objet rare aussi bien que les meilleurs de ceux-ci quand cela lui convient : témoin ses chenets et sa très-, jolie table à coiffer en bois de padouck. Une chaise révélant l’abondance d’imagination, mais un peu « joujou a de M. Albert Angst, une boucle, un pendant et des boutons en émaux de M ». Hailé, et de bonnes marqueteries en bois na-turels de M. L. M. A. Herold — ces trois artistes invités a exposer par les Sis — figurent honorable-ment au milieu des travaux de ces artistes d’élite. De même les tapis de M. A. Jorrand, également invité, et qui contribue pour sa bonne part à l’heu-reuse réaction de l’art industriel français contre l’influence un instant par trop envahissante du genre anglais. M. Antony Valabrègue a été chargé par la di-rection des Beaux-Arts d’étudier en Allemagne les industries d’art, qui y ont pris un très grand déve-loppement dans ces dernières années. Le rapport de M. Valabrègue sera terminé pro-chainement ; en attendant, l’auteur vient de com-mencer dans la Revue des Arts Décoratifs une sé-rie d’articles sur les musées, les écoles d’art indus-triel,et les industries d’art du grand-duché de Bade : broderie, horlogerie, feronnerie, bijouterie, etc. Dans une interview avec un rédacteur d’un jour-nal quotidien, M.Valabrègue a résumé ses impres-sions sur ce qu’il a vu en Allemagne r L’Allemagne, dit-il, se prépare à l’Exposition de 19oo avec une ardeur étonnante. Dans chaque ré-gion, des comités se sont formés ; les chambres de commerce, les représentants des principales socié-tés d’art décoratif. les fabricants, les artistes se remuent. Il s’agit d, savoir ce que produira ce mou-vement, et quel ro sera le résultat pour la France. Il est évident que depuis quelques années les Allemands sou, 1.nt fait une concurrence très se-rieuse au point de vue de l’application de l’art à l’industrie. Des musées ethnographiques importants ont été créés de tous côtés et ont suscité des re-cherches originales, des efforts indépendants, un désir de reconstituer des industries d’antan et d’en créer de nouvelles. e D’autre part, les travaux de nos céramistes, de nos verriers, de nos émailleurs, ne sont pas passés inaperçus en Allemagne ; il n’est pas de musée al-lemand qui n’ait acquis des pièces de nos maîtres décorateurs. Les Allemands suivent avec attention le mouvement artistique moderne français ; certains de nos artistes sont peut-être plus connus de l’autre côté du Rhin que chez nous. On trouve, dans les musées d’Allemagne, des verres de Gallé et des médailles de Roty, en bien plus grand nombre qu’en nos propres musées. e Ces modèles, les musées les prêtent ; on se les passe de main en main ; on les copie,on les imite ; en s’en inspirant, on fabrique autre chose ; l’ému-lation aidant, l’initiative naît, et des œuvres inté-ressantes sont créées. s Ajoutez à cela que l’Allemagne est décentrali-sée, que chaque province a conservé son esprit propre, et que chaque pays produit des industries différentes et originales ; vous aurez, alors pénétré le secret du mouvement nouveau qui se produit en Allemagne, dans les milieux artistiques. r Ce mouvement nous menace, nous devons l’avouer ; les Allemands sont très industrieux ; si nous ne les cœnbattonspas,ilsfiniront par nous bat-tre sur un terrain ou nous étions maîtres. Les Alle-mands nous étudient passionement, nous imitent, et nous dépasseront, si nous ne les étudions pas à notre tour, si nous ne nous surpassons pas nous-mêmes, si nous ne les forçons pas à toujours nous imiter, en créant toujours mieux. M. Félix Faure a inauguré le 21 décembre les nouveaux bâtiments de l’hôpital Broca, construits sur les données du D’ Pozzi, chirurgien en chef. Il est inutile de dire que l’éminent praticien les a voulus confortables, clairs, gais ; niais ce n’était pas assez à ses yeux. Attachant la plus grande importance à tout ce qui peut agir sur l’esprit des malades, et se rappelant les anciens hopitaux de l’Italie et de l’Espagne décorés de fresques admi-rables par les maîtres de la Renaissance, le D’ Foui a résolu de’ faire exécuter aussi des fresques sur les murs de ces nouvelles salles pour reposer agréa-blement les yeux de ses malades. Le budget de l’hôpital était limité, il fallait recourir à la bonne volonté des artistes. Elle n’a pas fait défaut Clai-rin, Dubufe, Bellery-Desfontaine, Maurice Biais, Kœnig-, Lauzet, ont apparié gracieusement leur talent. Naturellement le décor floral, si bien à sa place en pareil cas, a été adopté par plusieurs de ces artistes. Une petite salle avec quatre pan-neaux à l’huile couverts de motifs de fleurs styli-sées à grande échelle, et bordés haut et bas par une frise formée par la fleur du motif en répétition côte à côte, œuvre de B. Maurice Biais, est, entre autres, tout-à-fait réussie. M. Hector Guimard, architecte, a réuni dans un album de 65 feuilles les reproductions d’ensemble et de détails, en fac-similés d’aquarelles, du e Cas-tel-Béranger ,,. la maison construite par lui rue La-fontaine à Auteuil, que tout ce qui s’intéresse l’art moderne dans Paris est allé visiter. Au point de vue de la beauté de l’édition, on peut dire qu’il n’a jamais été édité rien de plus luxueux et de plus beau comme album d’architecture ; le mot admira-ble n’est pas de trop. Quant au fond, ce n’est pas ici le lieu de prendre parti parmi les admirateurs ou les détracteurs de ]’œuvre artistique de M. Guimard. En tous rassise œuvre qui déchaîne, comme l’a fait celle-là, les ap-plaudissements et les colères n’est pas celle du pre-mier venu, et ne peut rester indifférente aux artistes ni au public; elle s’impose à l’étude des uns et â la curiosité de l’autre. Aussi peut-on prédire à l’album du s Castel-Béranger » sa place dans toutes les bibliothèques d’architectes, et présumer que même parmi ceux hostiles aux tendances de M. Guimard, plus d’un ne dédaignera pas d’y glaner pour son propre compte. Il a été question de nouveau au Conseil munici-pal de Paris du prix de 5000 francs à décerner à l’architecte ou au propriétaire — nous ne savons plus au juste — de la plus belle façade construite à Paris dans l’année. L’idée de ce prix appartient à l’honorable M.Bla-chère, conseiller municipal. Nous voudrions sou-198