L’ART DÉCORATIF LES VITRAUX DE M. OSCAR PATERSON À GLASCOW Dans l’art, il est toujours dangereux d’établir des principes absolus, car l’oeuvre d’un artiste nouveau peut renverser tout l’édifice du théo-ricien l’instant d’après. Ainsi, ceux qui cher-chent dans le vitrail du moyen-âge le code des règles de cet art, et qui veulent lui voir suivre ces règles de nos jours, n’ont qu’à faire con-naissance des oeuvres du peintre-verrier Pater-son pour tomber convaincus qu’il existe d’autres voies, et que l’artiste moderne n’est pas plus condamné dans le vitrail qu’ailleurs à rester enchaîné aux anciennes habitudes. Pourvu que ces voies ne fassent pas obstacle aux con-venances de la matière et de son travail, elles sont tout aussi bonnes que celles auxquelles l’histoire a donné force de loi. Le seul fait que la fenêtre en couleur du moyen-âge était composée exclusivement en vue de l’église comportait déjà des restrictions dont notre époque devait s’affranchir, du jour oit elle lui accorda un rôle plus large, et lui fit place dans la demeure bourgeoise. Ici, l’on ne cherche plus la nénombre mystérieuse ou l’embrasement d’un choeur de cathédrale go-thique: on veut la clarté et la commodité. Dans l’église, la fenêtre était devenue de bonne heure le principal; on lui sacrifia les murailles de parti-pris, et l’on finit par si bien l’élargir, qu’il ne resta plus que le squelette de pierre et la cloture en verre entre ses membres. Mais aujourd’hui, nous n’avons plus de raisons d’étendre la surface des fenêtres au delà du nécessaire, car nous attachons plus d’importance que nos aïeux à nous préserver du froid, et savons combien cela serait difficile si nous nous contentions de clotures vitrées. Il ne doit donc plus s’agir que de décorer sans nuire : c’est la règle à laquelle tout art doit se plier dans le présent. L’Angleterre a devancé le continent de vingt ou trente ans dans la modernisation du vitrail. Après avoir commencé par imiter le moyen-âge, on y a très-vite passé, même dans les églises, à des colorations plus claires, admettant mieux la lumière; le ciel de plomb du pays est trop avare de jour pour en perdre beau-coup. Ainsi, les vitraux dessinés en grand nombre par Morris et Burne-Jones ont des colorations toutes différentes des anciennes; à ce point de vue, aucune comparaison ne peut être établie entre ces vitraux et ceux du moyen-âge. A part celà, les procédés techniques de ces artistes ne diffèrent de ceux du moyen-âge en rien d’essentiel. Ce n’est que tout récemment que le vitrail s’est affranchi de ces attaches avec M. Oscar Paterson. Les fenêtres de cet artiste sont tout autres que celles du moyen-âge. Elles n’ont pour ainsi dire plus aucun rapport avec celles-ci, non seulement parceque M. Paterson a com-plètement renoncé aux figures de saints, aux baldaquins gothiques etc., mais parcequ’il a pris dans la technique un chemin qu’il s’est frayé lui-même. Ce qui ressort avant tout dans ses travaux, c’est qu’il s’en tient à la mosaïque le plus pos-sible, ne recourant aux additions de peinture que pour l’absolue nécessité; ensuite, qu’il fait jouer aux lignes des plombs le rôle capital dans le dessin ; enfin, qu’il compose son coloris de tons clairs et de grand jour, auxquels il aime à opposer des traits ou même des pans tout-à-fait noirs. Chaque fois que les circonstances le permettent, il choisit ses sujets ou règle ses compositions en visant avant tout à faire porter l’effet sur des verres très translucides. De là la fréquence des couchers de soleil, des effets de lune, des voiles brillant au soleil etc. dans ses vitraux. Les anciens verriers n’usaient que rarement de ce moyen, quoique les ruissellements de lumière s’obtiennent tout naturellement dans le vitrail, tandis qu’ils ne sont possiblen que par des artifices dans la peinture à l’huile et l’aquarelle. Mais le caractère personnel des travaux de M. Paterson réside surtout dans la forte accen-tuation des contours du dessin. Tous les plombs suivent des lignes du dessin, et toutes les grandes lignes du dessin sont soulignées par des plombs. Quelquefois aussi, l’artiste trace les silhouettes en lignes de verre noir opaque. Beaucoup de ses fenêtres sont en blanc et noir; elles ne sont autre chose que des dessins au trait, om-brés ça et là par des petits pans noirs; mais l’artiste sait ajouter à leur intérêt par des moyens à lui; tantôt des pointillages en verre apparaissent par places comme la perlée du brouillard; ail-leurs, l’arête saillante d’un verre très-épais est biseautée, ce qui produit l’effet d’une éclatante ligne de lumière, etc. C’est le blanc qui domine dans la plupart des vitraux de M. Paterson. Après lui, une de ses couleurs de prédilection est l’orangé, particu-lièrement affecté aux effets de soleil. Le blanc, le noir et l’orangé forment une gamine de cou-leurs très-simple, qui suffit à beaucoup de ses meilleurs effets. Mais il sait aussi trouver l’har-monie dans des coloris plus riches, en évitant cependant le plus possible, comme nous l’avons dit, de recourir au pinceau et se bornant à la seule mosaïque. Et toujours les plombs vien-nent renforcer les contours — ainsi qu’il doit en être dans la vraie peinture décorative —sans jamais couper le dessin au hasard comme 162