DÉCEMBRE 1901 Ce sens de la nuance encor et par-dessus toutes choses dont parle Verlaine, il le possède inti-mement. Et son art n’est peut-être pas sans avoir une sorte d’air de famille avec celui du poète des Romances sans paroles. Ses prome-neuses, ses rêveuses accoudées, ses femmes sortant du bal, cette délicate Femme à la canne, ont dans leur modernité je ne sais quel reste de la joliesse du siècle des fêtes galantes. Vo-lontiers on songerait devant elles aux statuettes de Pajou, à Falconet et à sa M.. du Barry dan-sant devant Louis XV, s’il ne fallait bien plutôt songer aux Tanagra. Rapprochement exempt de tout pastiche d’ailleurs, affinité secrète qui par d’analogues qualités de goût et d’élégance nous apparente à la Grèce, qui fait qu’un nu de Clodion peut être une Vénus et tout de même une Parisienne du XVIII, siècle. Et ces qualités de race, Louis Dejean les a au plus haut degré. Son art est un art français par-dessus tout. Mais en même temps, comme les statuettes de Tanagra, les figurines qu’il sculpte sont surprises en attitudes familières, à leur toilette, à la promenade, troussant leurs jupes ou se reposant. Ainsi que les coroplastes d’autrefois, il aime à les enve-lopper de manteaux ou à laisser flotter leurs voiles, cherchant par-dessus tout en elles le mouvement vivant et l’harmonie délicate des ombres légères. Ainsi qu’eux il évite les noirs violents des enfoncements profonds et les clartés trop crues ; mais à vrai dire, chez le modeleur antique la préoccupation d’emplir les creux provenait d’abord du souci de rendre plus facile le moulage des statuettes d’argile chez l’artiste contemporain c’est volonté pré-conçue et amour des demi-teintes. Là encore on pourrait prétendre à quelque supériorité du costume moderne. Le modeleur grec enroulant ses draperies autour des bras, des mains et du cou, s’écartait un peu de la vérité de son époque, quelque ingénieux que fussent ses arrangements ; le sculpteur d’aujourd’hui trouve dans la réalité des modes passagères et des robes adorables de nombreuses res-sources pour varier LOUIS DEJEAI4 à son gré l’ombre parmi les plis de l’étoffe et envelop-per de clarté blonde ses coquettes pari-siennes. Et il en tire des effets ex-trêmement variés. Ruse d’une gamme très riche d’ombres transparentes; il a le sens subtil des moindres différen-ces de valeurs, et c’est ce jeu cons-tant de la lumière sur l’infinité des petits plans de ses modelés qui don-ne à ses œuvres cette apparence de figurines animées et frémissantes. Louis Dejean y ajoute une re-cherche exception. nelle du mouve-ment. Il ploie tout NIELANCOLIE le corps d’une FIND ART DOC