L’ART DÉCORATIF les étoffes emplies par de larges contours telles que les signifia Rubens, et cherchant, au contraire, dans la netteté des verticales, dans l’ondoiement tournoyant des obliques et des spirales, le secret de l’arabesque vivante que devient la féminité attifée. L’artiste réalise ce qu’il est lui-même. Grand, mince, strict dans la gaine du veston, portant haute une tête au teint olivâtre, à la moustache fière, au nez aquilin, aux noirs yeux plus songeurs que sensuels, il se décèle silen-cieux, courtois, sobre de gestes, réticent sinon timide, parlant à demi-voix — un de ses por-traits. La maigreur plait à son héréditaire instinct des beautés nerveuses, fines, brunes, intérieurement consomptives et disant par le regard toute l’ardente effusion de leur rêverie apparemment nonchalante. Et avec la maigreur il trouve la distinction en évitant la crispation. 11 ne l’exagère pas vers l’anémie des vierges préraphaélites, émaciées dans une intention mys-tique. Il la restitue telle que l’admet le moder-nisme, comme le signe de la force réactive nerveuse suppléant la force active musculaire. Helleu dessine la Parisienne,la Londonienne, la femme de yachting et de tennis. La Gandara peint plutôt la femme de boudoir et de salon, mais avec la nuance d’une poésie grave, il peint la femme sur qui ne se révèle pas seulement l’éducation, mais encore l’hérédité familiale, la sélection princière, l’accoutumance de l’attitude de caste à peine déraidie par la simplicité un peu voulue. Et où il est tout à fait supérieur, c’est lorsqu’il fait pressentir sous cette attitude la personnalité du modèle quelquefois si diffé. rente, inquiète, rébellionnée, hantée d’initiatives qui n’osent s’avouer, écoutant la voix du sang qui parvient à travers le rite de la caste comme le battement du cœur individuel sous la robe d’apparat. Il a peint ainsi quelques jeunes filles élancées, ouvrant des yeux passionnés et éton. nés sur la vie qu’elles devinent, et inquiètes de la sentir si dissemblable de celle qu’on leur apprit, au point que le frémissement léger des plumes soyeuses de leur chapeau semble l’essor de leurs rêves suspendus au-dessus d’un front qu’ils n’osent quitter encore. L’enlacement des mains de la princesse de Chimay un peu rejetée sur le bras du fauteuil est une merveille d’intui-tion psychologique de ces nerveuses mains des mondaines qui, de tous leurs doigts impatients, semblent rythmer ou contrarier la causerie. Et il est attachant d’étudier la façon subtile dont le peintre diffé-rencie ces femmes, dont presque toutes ont le même masque figé de poupées, tellement habituées à dire les mêmes choses aux mêmes heures dans d’iden-tiques circonstances conventionnelles que leurs traits, modelés par les in-flexions de la parole et du sourire, s’accusent semblables. Une accentua-danstion l’arc du sourcil, un modelé plus ou moins ombreux dans les fos. settes du sourire, c’en est assez pour qu’une femme vue par Antonio de la Gandara livre son caractère personnel, et au moins une partie de ce qu’elle ne dit pas. C’est un admirable peintre de mains, le plus expressif que la France picturale actuelle compte avec Besnard et Carrière. Il les peint avec amour, les infléchit et les dispose selon d’infinies combinaisons psychologiques. Elles continuent l’élucidation de l’être tout entier. Elles sortent réellement des manches — et ceci est un éloge sans ironie, à une époque où les trois quarts des portraits exhibent des mains coupées A. DE LA OANDARA PORTRAIT DE A, LIANE DE Porno 9a FIND ART DOC