NOVEMBRE 1901 l’Orient, dont l’Espagne est tout imprégnée. La sève bohémienne circule déjà dans une atmo-sphère sarrasine. Le ciel flamboie comme au delà des mers. Sur un bleu sourd, sur l’indigo profond du soir (dont la photogravure est im-puissante à nous traduire la valeur), une fille en cheveux, l’oeillet rouge au front, passe au milieu de vieilles femmes courbées comme des Parques et qui rappellent les spectres entrevus par le voyageur Charles Cottet dans la Thébaïde toujours l’Orient ! Hassan, toute sa vie, aima les Espagnoles. Celle-ci l’enchanta. …. Je parle de cette petite Cigarière assise et deux fois décrite avec amour, avec son châle cramoisi, vigoureux, à contre-jour, sur un fond d’or clair ou pâli dans l’ombre. Telles étaient, avec leur physionomie gamine, ces menues bro-deuses égyptiennes que le Musée Guimet nous donne pour les contem-poraines de Thaïs. Le type oriental n’est pas douteux. Quittons la po-sada, le patio, le plein air, pour les quinquets du flamenco. Le diabolique claquement des casta-gnettes nous amène tout près de la rampe fumeuse où de l’ombre émerge le couple forcené des dan-seurs: la gitane encore, et son capitan, la gitane fin-de-siècle, avec sa jupe de satin changeant et sa jambe noire gantée de Soie. Ce n’est plus la Carmen debout sur la table de la taverne, ni Lola de Valence, sonnettisée par. Baudelaire et burinée par Manet ‘. Mais, au rythme exaspéré de ces danses, de ces motifs rap-sodiés dans la Calalonia d’Albenitz, les cheveux de la senorita se dénouent et flottent éperdus vers Eau-forte oKuinale de Manet, signée et datée x861, comme son Guilarrero. la toque sombre du danseur. Un frisson ténébreux ennoblit la modernité. Cette Danse aux lueurs tristes est, jusqu’a présent, la meil-leure inspiration de Ramon Pichot. Elle donne et promet. C’est un pastel, comme la plupart des ouvrages de l’artiste; mais un pastel espagnol, avec des formes cernées de crayon, des appli-cations de vernis. Le procédé rend bien a l’obs-cure clarté » qui sert d’atmosphère à ces fla-mencas, soeurs infernales de la Tortojada, de la Soledad. Le pastel a les préférences de l’obser-vateur barcelonais le pastel traité de façon complexe et comme gouaché par places. Cer-tains aspects, des accessoires, tel châle rouge de gitane, semblent gommés comme des rehauts d’aquarelle. C’est fort curieux! Ni lithographies, ni gravures, comme chez Joachim Sunyer ou notre Lunois. Quelques peintures seulement, dont la touche, malgré l’émail cherché de la belle matière, n’égale point l’heureuse harmonie RAMON PICHOT 75 (F,osé TYPES CATALANS